DIEU AMOUR, QUE FAIS-TU CONTRE LA SOUFFRANCE DES HOMMES ?


  • 1. 

La souffrance fait partie de la condition humaine. Pour avoir un monde où il n’y aurait ni mal, ni souffrance, il faudrait que Dieu intervienne à chaque instant. Il n’y aurait ni liberté, ni responsabilité. On ne pourrait ni grandir, ni aimer. Quel ennui !

Pour Saint Exupéry, qui rejoint ici saint Paul : le monde est en état d’accouchement et tout accouchement est douloureux. C’est une métamorphose qui s’opère

Jésus aussi s’est servi de cette image. Il évoquait la joie qui suit l’enfantement. Lorsque nous souffrons, peut-être pouvons-nous entendre : « Que suis-je en train de mettre au monde ? »
Un monde où Dieu viendrait en aide à l’homme pour le suppléer empêcherait l’homme de se réaliser. L’important pour l’homme, ce n’est pas de chercher la facilité mais d’être mobilisé contre ce qui l’écrase. « Choisis un grand ennemi, il t’aidera à grandir », dit un proverbe africain. Un monde où l’homme ne prendrait en main aucune responsabilité verrait l'homme végéter, sans ressort et sans vie, perdre son âme dans un ennui profond.

« Au jour du bonheur, sois heureux. Au jour du malheur, réfléchis » (Qohelet 7, 14).

Dans une célèbre légende, les hommes se plaignaient à Dieu de la souffrance. Ils réclamèrent un changement de Dieu. On donna alors à l’humanité un Dieu qui arrangeait tout. La vie humaine était devenue d’une extrême facilité. Mais il y eut ensuite une seconde délégation pour demander à revenir à l’état précédent : « On s’ennuie, nous n’avons plus rien à faire ! » Cette légende est intéressante. Avons-nous réfléchi à ce que serait le monde si Dieu prenait les rênes de nos vies et réparait tous nos dégâts? Ce serait intolérable. C’est à l’homme à trouver la parade face aux difficultés. Il s’y emploie, d’ailleurs, depuis l’invention du feu, des milliers de découvertes, l’amélioration de l’alimentation, de l’habitat... Dans un livre important, Catholicisme, religion de demain (Grasset), Henri Fesquet montre que les immenses progrès de l’Occident sont issus de certains textes des Évangiles comme la « Parabole des talents ».
En notre siècle, les découvertes médicales avancent chaque année. La prévention des catastrophes naturelles se développe... Le chantier est immense. Pour la seule modeste région du monde qu’est la France, le nombre de maladies graves et des accidents est encore impressionnant.

  • 2. 

Dieu a voulu prendre le risque de créer l’homme « à Son image et à Sa ressemblance », c'est-à-direlibre et capable d’aimer. Les hommes sont responsables des plus grands malheurs, mais ils sont aussi capables de choses sublimes. Au Jugement dernier le bon grain sera séparé définitivement de l’ivraie.

Le Dieu de la Bible souffre devant le mal et devant la souffrance

Elie Wiesel a subi la souffrance d’Auschwitz. Il a publié dans la presse un texte dont je cite un extrait : « Dieu de justice, Dieu de bonté, Dieu d’amour, où étais-Tu quand on persécutait Ton peuple ? Il est permis dans notre tradition de Te questionner. D’Abraham à Moïse en passant par Jérémie, dans toute la littérature biblique, nous découvrons des cris contre la justice divine. Dans ses “Lamentations”, Jérémie écrit : “Tu as tué sans pitié. Tu vois Tes enfants humiliés et Tu restes silencieux.” Cependant, je me suis demandé : peut-être suis-je injuste ? Après tout, Auschwitz n’était pas le produit de Dieu mais le produit des hommes. Auschwitz avait comme but non seulement de nous détruire mais aussi de Te détruire. Pourquoi ne pas songer également à Ton chagrin, Toi, père de l’humanité ? En regardant Tes enfants souffrir n’as-Tu pas souffert comme eux, avec eux ? » (Le Figaro Magazine, 4 septembre 1999)

Les plus grands malheurs ne viennent pas des caprices de la nature, comme les tremblements de terre, l’explosion des volcans ou les tsunamis, mais de l’homme

Le monde ne peut fonctionner harmonieusement que s’il existe une collaboration étroite entre le Créateur et Sa créature. Si l’être humain ne développe pas les talents que Dieu lui a confiés, alors les malheurs déferlent. Les plus grands malheurs de la planète ont été causés par des Staline, Hitler, Mao Tsé Toung, Pol Pot,... et, aujourd'hui, la folie meurtrière de Daech et de Boko Haram... Ces souffrances les plus horribles ne peuvent être imputées ni à la nature ni à Dieu. Ou bien nous disons à Dieu : « Tu aurais mieux fait de ne pas créer ! », alors, bien sûr, le mal n’aurait pas existé. C’est un peu ce que pensent ceux qui se suicident. « Maudis Dieu et cesse de vivre ! », disait son épouse à Job dans son malheur.
Dieu a fait confiance à l’être humain. À nous de jouer ! Si Dieu prenait les choses en main à notre place, il n’y aurait plus d’être humain. Il n’y aurait que des animaux manœuvrés par l’instinct ou des robots. Que chacun « fasse sa part », comme le colibri de la légende amérindienne. Au lieu de dire que Dieu est manchot, prêtons-Lui nos bras. Au lieu de dire qu’Il est muet, prêtons-Lui nos voix.

Dieu a voulu que l’homme soit libre malgré le risque qu’il use mal de sa liberté

Attention lorsqu’on exprime trop rapidement : « Dieu permet le mal pour un plus grand bien. » Le mot « permet » est ambigu. Dieu a-t-Il « permis » Hitler, Daech,... et leurs crimes ? Certainement pas ! Dieu n’a pas permis l’horreur. Des hommes ont choisi de détruire l’œuvre de Dieu, c’est très différent !!! Dieu a permis que l’homme soit libre malgré le risque qu’il use mal de sa liberté. Cela est vrai. Même dans le Premier Testament, nous voyons Dieu souffrir de la part des humains : « Je pleurerai en secret votre orgueil… » (Jr 13, 17).
On connaît la fameuse argumentation des athées : « Dieu est impuissant s’Il ne peut empêcher le mal et Il est méchant s’Il le peut et ne le fait pas. Sa seule excuse, c’est de ne pas exister. »

L’existence du mal est un mystère avant d’être un problème

Quelques textes et le témoignage de Dieu venu sur terre peuvent porter une lueur à ceux qui consentent à faire confiance. La Genèse nous montre qu’en rompant le contact avec Dieu, l’homme déclenche une cascade de ruptures : Adam et Eve refusent leur condition (Ils eurent honte de leur nudité.), Adam accuse sa compagne, Caïn tue son frère, les hommes ne se comprennent plus (Tour de Babel). Le symbole est clair : ce n’est pas du côté de Dieu qu’il faut chercher la cause du mal. Sinon, autant dire que le soleil est coupable de l’ombre...

Jésus vient comme nouvel Adam. Mon ami Mgr Lafont s’exprime ainsi : « Dieu est le peintre, Jésus est le modèle, l’Esprit Saint est le pinceau, le chef-d’œuvre, c’est vous ! »

Le livre de la Bible nous introduit d’emblée sur la source du mal. Le mal n’entrait pas dans le Projet initial de Dieu. Si l’homme n’avait pas rompu les amarres avec Dieu, s’il n’avait pas prêté l’oreille au grand soupçonneur, il n’aurait connu aucune souffrance. « Par le péché, la mort est entrée dans le monde. » La mort biologique aurait été un passage très doux vers l’éternité. L’orgueil et le manque de confiance ont créé une rupture avec Dieu. Toute la Bible racontera l’aventure du Salut, de la Création à guérir. Le mal ne fait pas partie de la nature humaine. Ce qu’on nomme « péché originel » évoque un mauvais pli de la volonté.
L’homme a été créé pour vivre en relation avec Dieu. Il pourrait dire à Dieu : « A mesure que je T’écoute, j’existe. » Un sarment de vigne détaché du cep meurt. Un fleuve coupé de sa source se dessèche. C’est ce que l’on nomme la « blessure originelle ». Si Dieu Se fait homme, c’est pour nous guérir, faire circuler la sève dans la vigne morte. « Heureuse faute qui nous a valu un tel sauveur » proclame la liturgie de Pâques.
Le mot « péché » en hébreu signifie : « échec » et « manque ». On a « raté » son but. Hélas, en français il a souvent perdu son sens. « C’est si bon que c’est presqu’un péché », vante une publicité pour une marque de chocolat ... Une bonne nouvelle suit le désastre. 
« ...Sa descendance te meurtrira la tête. » Un Sauveur est annoncé. Le mal n’aura pas le dernier mot.

Jésus va prendre sur lui toute l’épaisseur du mal et de la souffrance

A l’instar des alchimistes qui, dit-on, changeaient le plomb en or, Jésus change les crachats en diamants. La finalité du mal, « tuer Dieu », devient l’apothéose de l’amour. « Père, pardonne-leur... »
Dire trop vite que Dieu permet le mal, c’est voir Dieu comme un allié de Shatan (l’Adversaire). Le Livre de Job, qui date de plusieurs siècles avant Jésus Christ, fait table rase d’une conception très répandue à l’époque.
Un « Diviseur », ange déchu, très puissant, prétend qu’il est trop facile d’être fidèle lorsqu’on est comblé. Accablé par les pires tourments, Job le juste ne pourra que se retourner contre le Créateur, prétend cet Adversaire. Il y a là un chapitre difficile à éclairer. Il s’agit d’une création antérieure à celle de l’homme. Mais le Shatan n’est pas un autre dieu.

Dieu fait taire les amis de Job qui prétendent sans relâche que les origines de la souffrance de Job sont très claires : elles seraient le châtiment de ses fautes

Au cours du récit, Dieu dénonce les croyances erronées de Son peuple. Il affirme que Job est un juste, qu’il Lui est fidèle et que sa souffrance n’a rien à voir avec une culpabilité, avec le châtiment d’une faute. Job n’était plus qu’un bloc de douleur. Rien n’arrête son cri : « Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? » Or Dieu dira : « Job a bien parlé de Moi. » Riche enseignement ! Dans la détresse, on peut crier sans offenser Dieu ! Dieu fera découvrir à Job l’immensité et la perfection de Sa Création. C’est une façon de lui dire : Celui qui a créé tant de merveilles ne peut pas te laisser tomber ! Ton malheur n’aura pas le dernier mot. Et, en effet, Job retrouvera tous les biens qu’il avait perdus : une famille, ses troupeaux et sa santé.

Le livre de Job pourrait donner à penser que Shatan, l’instigateur des souffrances humaines, recevrait le feu vert de la part de Dieu parce que Dieu aurait la conviction que Job ne serait pas poussé au désespoir et garderait toute sa confiance en Lui

J’ai constaté dans quelques textes d’écrivains juifs, et des amis rabbins me l’ont confirmé, que le Shatan entrait dans le plan de Dieu comme le petit marteau avec lequel le potier frappe ses œuvres d’argile avant de le mettre au four. Inutile de cuire le vase s’il est fêlé. La cruauté de Shatan a finalement servi à démasquer de fausses idées sur Dieu et elle renforce, s’il en était besoin, la confiance de Job en Dieu.
On me demande sans cesse pourquoi Dieu a laissé à Shatan un tel pouvoir de nuisance. Les saints qui sont souvent les meilleurs théologiens nous disent que Shatan ne peut rien sur notre âme sinon avec notre consentement. Thérèse de Lisieux le voyait comme un chien qui veut mordre une petite fille mais celle-ci a eu la bonne idée de grimper sur les épaules de son père L’image est forte Si on comprend que Dieu est ce père.
Le livre de Job est précieux car il montre la confiance totale que Dieu place en l’homme. Les plus grands chefs-d’œuvre de l’humanité sont peut-être ces êtres qui gardent un amour total pour Dieu, une confiance totale en Dieu, malgré leurs épreuves. La plupart des mystiques ont écrit à ce sujet leurs plus belles pages, parmi eux : Catherine de Sienne et Jean-Paul II

Comme on affine un métal...

Le livre de Judith nous donne aussi un éclairage intéressant. Judith s’adresse aux chefs de la ville de Béthulie qui menacent de livrer la ville aux Assyriens si Dieu ne les sauve pas très rapidement : « Rappelez-vous tout ce qu'il a fait à Abraham, toutes les épreuves d'Isaac... De même qu'il les fit passer par le feu de l'épreuve comme on affine un métal, le Seigneur ne cherche pas à nous punir. S'il frappe ceux qui Le touchent de près, c'est pour leur donner un avertissement. » Dirait-on du chirurgien qu’il a une complicité avec la souffrance parce que son intervention est douloureuse ?... Son geste poursuit un objectif : soigner, sauver. La souffrance, il ne la recherche pas. Elle est liée à son action chirurgicale. Elle en évitera d’autres bien plus terribles.
Dieu agit comme un orfèvre. Il dépouille le métal précieux de sa gangue et l’affine au feu. Il tient compte, pour s’adresser à l’humanité, de l’étape de l’évolution à laquelle elle se trouve. Les leçons que l’on peut tirer du livre de Job ne satisfont sans doute pas l’humanité actuelle, mais elles sont une étape précieuse.

Dieu, à travers Son Fils Jésus, a porté la souffrance sous sa forme la plus extrême

Dieu, non seulement, n’a aucune complicité avec le mal et la souffrance, mais, Lui, l’innocent, porte la souffrance sous sa forme la plus extrême : il subit, sans révolte, la haine et la torture.
Le Dieu qui Se fait homme sera décrit par le prophète Isaïe comme un 
« homme de douleurs ».Son amour du Père et sa confiance pendant l’épreuve atteindront une telle grandeur qu’ils seront d’une grande force de libération. « Parce qu’il a connu la souffrance, mon juste justifiera des multitudes ! » (Isaïe 53, 10). (Justice : Tsadaka. Sainteté) Les souffrances des saints se révèlent toujours fécondes. Celles de Gandhi, de Martin Luther King, d’Yitzhak Rabin... Au sujet du père Hamel : jamais les juifs ni les musulmans n’étaient venus jusque-là participer à une célébration chrétienne !... On peut évoquer à ce sujet le proverbe mexicain : « Ils ont voulu nous enterrer, ils ne savaient pas que nous étions des graines ! »
Dans la mesure où l’homme détruit le projet de Dieu, abime la Création et ne met pas en œuvre ses talents, le désordre se répand et des malheurs arrivent en chaîne. Cependant, Dieu n’abandonne pas l’homme à son malheur et à sa souffrance. Il lui répète, au contraire : 
« Invoque-moi au jour de la détresse, je te délivrerai. » (Psaume 50, 15) « Les larmes de la veuve coulent sur la joue de Dieu. » (Sir 35, 18).
De nombreux psaumes évoquent ce cri de détresse de l’homme vers Dieu. Dieu entend ce cri, l’écoute et apporte à l’homme la délivrance. Devant la détresse humaine, Dieu va constamment adresser des appels à l’homme pour qu’il relève les manches et se mette à l’ouvrage.

Dieu prévient Son peuple

Il existe dans un certain nombre de chapitres du Premier Testament l’idée suivante, qui n’est peut-être pas à écarter d’un trait de plume : Dieu prévient Son peuple. Je résume Ses propos : « Si tu marches dans mes voies, tu seras heureux. Si tu écoutes les idoles, si tu es infidèle à ce que Je t’ai demandé, alors tu seras fragilisé, friable, et le malheur frappera à ta porte. » Dans une longue prière, le prophète Néhémie rappelle l’histoire du peuple hébreu jalonnée d’immenses bonheurs et d’immenses détresses, qui accompagnaient, les premiers, les périodes de fidélité, et, les seconds, celles d’infidélité.
La souffrance peut être, pour l’être humain, un signal, une alerte que quelque chose ne va pas, comme la fumée avertit de la naissance d’un incendie. Un malaise, une douleur sont des symptômes d’un dysfonctionnement, ils attirent l’attention du malade et du médecin sur une anomalie à réparer d’urgence. 
Sans revenir à l’idée d’un Dieu dénicheur de coupables, certaines épreuves peuvent prendre une signification pédagogique. Par exemple, dans le domaine de la santé, certaines maladies peuvent provenir d’un manque de sagesse (alcool, tabac, désordres sexuels, etc.). Mais personne n’est autorisé à dire à son prochain, ni à se dire à soi-même : « C’est le bon Dieu qui t’a puni ! » Dieu a fait taire les amis de Job qui répétaient à Job dans son malheur : « Cherche bien dans ton passé, tu verras que tu as mérité ton sort ! Dieu avait des motifs pour t’accabler ! »

La souffrance peut devenir un aiguillon pour se dépasser et grandir

Saint Paul utilise l’image du père qui éduque son enfant. Il dit, dans un sens que l’on doit comprendre correctement : « Quel est le père qui ne châtie pas son enfant ? » Quel père aime son enfant sans le contraindre et essayer de le faire grandir ? S’il ne le faisait pas, il n’aimerait pas son enfant. Il faut que l’enfant découvre que les sanctions sont des preuves de son amour. Et saint Paul nous dit : « Si vous souffrez, c’est parce que Dieu vous éduque. » Pouvons-nous imaginer des parents qui feraient les devoirs scolaires à la place de leur enfant ? Ils l’empêcheraient de se cultiver. Ils le priveraient du besoin d’apprendre et du désir de comprendre. Si nous ne demandons pas d’efforts, nous fabriquons des déprimés ou des délinquants.
Au sujet de Galiléens exterminés par les forces d’occupation et au sujet des morts causés par la chute d’une tour, Jésus dira clairement que ces événements ne sont pas causés par des fautes précises imputables aux seules victimes. 
« Vous périrez tous si vous ne tournez par votre cœur vers Dieu. »

Dieu peut, de tout mal, tirer un bien plus grand que le mal, le plus souvent avec le concours de l’homme

Comme le dit saint Augustin : « Dieu qui t’a créé sans toi, ne te sauvera pas sans toi. »
Ce n’est pas la souffrance qui libère. Ce n’est pas forcément grâce au cancer de cette femme, mère de famille de sept enfants, que son mari va se convertir ou cesser de boire ! Il se peut, au contraire, que son époux devienne encore plus athée à cause de cela !
Un jour, un homme m’a craché au visage lors de l’enterrement de son épouse. Il m’a crié : « Votre religion a tué ma femme ! » Je suis allé le voir quinze jours plus tard. Il me confia qu’elle avait refusé les soins de la médecine. Elle prétendait que Dieu lui envoyait cette épreuve pour la purifier de ses fautes passées. Je lui ai répondu : « Ce n’est pas ma religion ! »

Le dolorisme et le masochisme sont les greniers de l’athéisme

Si des gens sont devenus athées, comme Sartre, Camus ou Nietzsche, c’est à cause de ces hérésies, hélas encore trop répandues ! Faisons très attention lorsque nous parlons de ces choses-là. Dieu ne nous met pas dans la souffrance pour voir comment nous allons réagir. Dieu n’envoie pas la souffrance même sous un prétexte de bien à venir. Seul celui qui est éprouvé peut lire son tourment comme une pédagogie divine. Un peu comme celui qui dirait : « La tempête a détruit ma maison mais dans les ruines j’ai trouvé un trésor. »
Sinon Jésus n’aurait pas passé son temps à guérir les infirmes et les malades. Il leur aurait dit : « Quelle chance vous avez d’être dans l’épreuve, vous allez pouvoir offrir vos souffrances au bon Dieu ! » Ce n’est pas ce qu’il a dit !!! Il a guéri des aveugles, des paralysés, des sourds, des muets, des lépreux...
Si l’agenda de Jésus est rempli de tant et tant d’actes de guérison au moment même où Il annonce la venue du Royaume de Dieu, c’est parce que la maladie et l’infirmité sont un mal qui contrecarre le Projet de Dieu. Certains trouveront dans l’épreuve un chemin de plus grande union au Christ mais cela n’empêche pas que la souffrance doit être combattue. C’est ce que dit Jésus lorsqu’il veut expliquer qui est le prochain qu’il faut apprendre à aimer. L’exemple qu’il choisit est bien celui d’un blessé à guérir, d’un être humain à sauver...

Jésus a combattu sans relâche le mal et la souffrance pendant toute sa vie

On ne le dira jamais assez ! « I have a dream! », criait Martin Luther King. Dieu faisait ce même rêve avant lui. Dieu rêve depuis toujours que l’humanité parvienne à se libérer de la haine, de la jalousie, de la cruauté, des addictions mortifères. « J’ai mis devant toi la mort et la vie. Choisis la vie ! » (Deutéronome 30).
Le sermon de Jésus à la synagogue de Capharnaüm éclaire sa mission : 
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, Il m’a envoyé panser les plaies de ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs la délivrance et aux prisonniers la libération. » Ce combat de Jésus contre la souffrance est extrêmement important. Si on regarde son agenda : nous voyons des guérisons d’aveugles, de paralysés, de boiteux, de sourds, de lépreux... Donc Jésus ne souhaite pas que l’être humain souffre pour se purifier. Il combat la souffrance. Il l’éloigne, Il la chasse. On a vu à travers les siècles quelques hérésies dramatiques : « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie !», proclamaient les romantiques. Le masochisme n’a rien à voir avec l’Évangile, contrairement à ce qu’a déclaré Nietzsche !

  • 3. 

La souffrance est sur notre route à tous. Elle nous donne deux rendez-vous : a) le combat contre le mal et contre ses causes (à chaque fois que c’est possible) ; b) la recherche d’un chemin de transfiguration de cette souffrance (lorsqu’elle est inéluctable).

L’amour divin est manifesté dans le Christ

Dieu est infiniment bon et toutes Ses œuvres sont bonnes. Cependant, personne n’échappe à l’expérience de la souffrance, des maux dans la nature – qui apparaissent comme liés aux limites des créatures – et surtout à la question du mal moral. D’où vient le mal ? « Je cherchais d’où vient le mal et je ne trouvais pas de solution », dit saint Augustin (Confessions. 7, 7, 11). Sa propre quête ne trouvera d’issue que dans sa conversion au Dieu vivant. Car le mystère de l’iniquité (2 Timothée 2, 7) ne s’éclaire qu’à la lumière du mystère de l’amour (cf. 1 Timothée 3, 16). La révélation de l’amour divin dans le Christ a manifesté, à la fois, l’étendue du mal et la surabondance de la grâce (cf. Romains 5, 20). Nous devons donc considérer la question de l’origine du mal en fixant le regard de notre foi sur Celui qui, seul, en est le vainqueur (cf.°Luc 11, 21-22 ; Jean 16, 11 ; 1 Jean 3, 8). (CEC 385).

La souffrance nous donne un double rendez-vous

Une prière de Marc-Aurèle est remplie de sagesse : « Seigneur, aide-moi à lutter contre les souffrances contre lesquelles je peux lutter, aide-moi à transformer les souffrances qui sont inéluctables et donne-moi la sagesse de faire la différence. » Cette prière est devenue la devise des Alcooliques Anonymes.

1°/ Se mobiliser de toutes ses forces contre le mal et la souffrance

Le premier rendez-vous consiste à s’armer de courage, à relever ses manches, à lutter contre tout ce qui opprime nos frères et tout ce qui nuit à notre santé ou à notre équilibre. C’est un rendez-vous de combat. On ne se résigne pas à la souffrance. On lutte contre ses causes. À travers l’histoire, l’homme a continuellement cherché la parade. Dès l’origine il fallait s’unir contre le froid, la faim, les attaques des animaux prédateurs, la cruauté entre tribus, etc. Et c’est ainsi que l'homme progresse et grandit. L’homme dépiste les dangers et comment les éviter, comment les contourner, comment guérir les blessures qu’ils provoquent. Alors il se passe quelque chose de fabuleux : l’homme se libère de son égoïsme et vient en aide au malheureux (Parabole du bon Samaritain).
Accepter de changer son projet de voyage, se laisser déranger comme l’a fait le bon Samaritain, voilà ce qui grandit l’être humain.

2°/ Face à l’inéluctable, chercher, avec l'aide de Dieu, les chemins d’une métamorphose

Le deuxième rendez-vous est différent. Face à ce qui est inéluctable, comme la mort d’un enfant, l’infirmité, les catastrophes naturelles..., la souffrance peut être extrêmement vive. Mais nous pouvons apprendre à faire de cette souffrance le terreau d’une très belle plante. C’est ce qui a été vécu par un grand nombre de saints et de personnes que l’on appelle des « héros ». Henri Dunant a fondé la Croix-Rouge devant le spectacle horrible des grands blessés de 1870 sur le champ de bataille. Marthe Robin, parce qu’elle était quasiment aveugle et paralysée, a participé à la fondation de quatre-vingt centres de retraite spirituelle sur divers continents...
Mon ami Jacques Lebreton a perdu ses deux bras et ses deux yeux lors d’une offensive contre les nazis. Cet événement l’a conduit à décider de s’ouvrir aux plus blessés, d’une manière tout à fait exceptionnelle. Il donnait une centaine de conférences par an sur ce sujet. J’ai pu constater très souvent la valeur indiscutable de son témoignage. Personne n’aurait pu oser en vouloir à Dieu de ce qui lui était arrivé, lorsqu’on voyait une telle fécondité. C’est là un constat, c’est une expérience : bien des êtres laminés par l’épreuve ont découvert à travers cette souffrance une nouvelle manière de voir le monde. Cela les a acheminés vers un don de soi total.
Au sujet du père Damien, apôtre des lépreux et contaminé à cause de son dévouement auprès d’eux, Gandhi écrivait : « De tels hommes on en trouve rarement dans le monde non chrétien. Ne convient-il pas de chercher la source d’un tel courage ? »

La souffrance fut souvent changée en source de résurrection par les saints

Ils ont vécu avec un sentiment d’union totale avec le Christ souffrant. « Ce n’est pas le fait d’esquiver la souffrance, de fuir devant la douleur qui guérit l’homme mais la capacité d’accepter les tribulations et de mourir par elles, d’y trouver un sens pour s’unir au Christ, qui a souffert avec un amour infini » (Benoît XVI, Encyclique « Spe Salvi », 30 novembre 2007).

Le combat contre le mal est un appel à développer nos talents

Sur les champs de bataille du temps de Napoléon, il arrivait que l’on doive scier une jambe sans anesthésiant. L’homme a fait des avancées considérables. Les soins palliatifs sont un grand progrès. Un de mes amis atteint à 50 ans d’un cancer m’affirmait ne pas souffrir grâce aux analgésiques. Si on ne dépensait pas autant d’argent pour des choses inutiles, pour des guerres effroyables ou l’enrichissement effréné de quelques-uns, nous pourrions faire encore bien davantage !... Lorsqu’on pense qu’il y a près de deux mille milliardaires sur notre planète tandis que près de la moitié de la population manque d’une nourriture de base, il n’y a pas toujours lieu d’être fier de l’humanité d’aujourd’hui !... Nous disposons de tous les moyens technologiques pour la recherche et les découvertes médicales. Mais l’argent fait défaut ! Tout cela est l’affaire de notre responsabilité. La « parabole des talents » nous éclaire. C’est l’affaire de la liberté de l’homme et de son industrie. Celui qui enfouit son talent manque à l’humanité. Dieu lui avait donné un trésor pour ses frères. Il se dérobe.

Une parabole juive peut nous instruire 

Moïse descend du Sinaï avec dans ses bras une énorme pierre sur laquelle Dieu a gravé les dix Paroles qui sont le plus grand trésor : le sens de la vie. Lorsque Moïse s’approche de son peuple, il voit le veau d’or et le peuple dans l’apostasie. À cet instant, le texte s’efface et la pierre tombe de ses bras, trop lourde. L’homme ne peut porter son fardeau que s’il a du sens.

Qu’est-ce que vous avez construit avec vos épreuves ? 

Je recommande souvent un livre : Tous les dragons de notre vie, de Guillemette de Sairigné. Elle a interviewé des personnes qui ont connu des souffrances extrêmes. Elle leur a demandé : « Qu’est-ce que vous avez construit avec vos épreuves ? » Elle conclut en constatant que la plupart ont fait de leur souffrance un tremplin et ont découvert une forme d’humanité supérieure à celle d’avant leurs épreuves. Patrick Segal reçoit une balle de revolver dans la colonne vertébrale et devient tétraplégique. Il répète : « Mon accident a été une chance. Cela a changé complètement ma vie. Au lieu d’être un sportif qui regarde ses muscles et s’en réjouit, j’ai voyagé autour du monde sur un fauteuil roulant et j’ai découvert de nombreux amis. »

L’homme a été créé pour être un avec Dieu

« La vie éternelle est de Te connaître, Toi et Celui que Tu as envoyé, Jésus Christ ». À ce sujet, saint Ambroise écrit : « Suppose que Dieu veuille emplir ton cœur de miel et que ton cœur soit plein de vinaigre. Où mettras-t-Il le miel ? Le vase doit être nettoyé. Cela requiert un effort. La souffrance peut aider. Le cœur s’ouvre ainsi aux autres... La purification qui nous rend capable d’accueillir Dieu nous permet aussi d’accueillir les autres ».

Attention cependant à manier certains arguments avec une très grande prudence 

Si on déclare à une femme qui vient de perdre son enfant que Dieu est en train de l’éprouver pour lui faire faire des progrès spirituels, je ne suis pas sûr que le message sera bien reçu !... Il faut être pédagogue. Jésus devant la souffrance de Marthe et de Marie, dont le frère Lazare vient de mourir, n’a pas fait de discours moralisateur. Il a pleuré avec elles. Il a enlevé la source de leur détresse en ressuscitant Lazare.
Au sujet de la souffrance de ses amis que provoquera son départ, Jésus utilisera une image très parlante : 
« C’est comme la femme sur le point d’accoucher, elle est toute angoissée par ses douleurs, mais lorsque l’enfant est né, elle oublie la douleur passée, elle est toute à sa joie de la naissance. »

  • 4. 

La souffrance peut devenir le terreau d’une grande fécondité et de la croissance des plus hautes valeurs d’humanité, pas seulement chez les saints.

Dieu ne veut pas être un magicien

Teilhard de Chardin a beaucoup parlé de ce sujet. Il demandait souvent : « Dieu peut-Il créer une boule en bois ? » On lui répondait : « Oui », mais lui répliquait : « Non ! ». Pour avoir une boule en bois, il faut une graine plantée, arrosée, puis un arbuste qui grandisse, qui soit coupé, qui soit usiné. Alors, nous obtenons une boule en bois. C’est une très belle image.
Nous voudrions un Dieu magicien, un Dieu père Noël. Il y a une manière de prier qui est incompatible avec le projet de Dieu : « Mon Dieu, résous mon problème ! » Mère Teresa, elle, demandait : « Mon Dieu, donne-moi la force d’agir ! » Ce n’est pas Dieu qui doit agir à notre place. Nous n’allons pas conduire un véhicule si nous n’avons pas dormi...: Si on prend le volant en comptant sur saint Christophe alors qu’on est ivre, ce n’est pas sérieux !... J’ai eu quatre accidents de voiture extrêmement graves. Chaque fois était en cause un chauffard venant en face, sur la mauvaise voie, et qui avait pris des drogues ou de l’alcool. J’écris ces pages affaibli par des séquelles douloureuses. Je n’en parle pas à la légère.

Qu’est-ce qui est le plus grand ?

Si tout vous réussit et que vous souriez à la vie, vous avez beaucoup de chance. Si le mal se déchaine contre vous, si vous priez pour vos persécuteurs, que vous pardonnez et que vous êtes vainqueur du mal et de la haine par un surcroît d’amour et d’abandon à Dieu, est-ce que ce n’est pas fantastique ?!... C’est ce qu’a fait le Christ. C’est cela qui est précieux ! Face à l’adversité et au mal, se construisent aussi les plus grandes valeurs humaines. La valeur ultime de la vie, ce ne sont pas les plaisirs ou la tranquillité qui passent et se perdent. La valeur ultime de la vie, c’est de s’accomplir, de se réaliser, de se dépasser. L’amour et le don de soi permettent de s’unir à Dieu. Nous sommes sur terre pour apprendre à aimer et tout apprentissage passe par des obstacles à franchir. Dieu veut des hommes et des femmes à Son image, c'est-à-dire débordants d’amour. Voilà dans quelle aventure peut prendre sens le mystère du mal !

La religion chrétienne prend de front cette question du mal

Au centre de la foi chrétienne et de ses racines juives, se trouve posée la question du mal, qui culmine avec la Passion du Christ. Si Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde, prend soin de toutes Ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? À cette question aussi pressante qu’incontournable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse rapide ne pourra suffire. C’est l’ensemble de la foi chrétienne qui peut offrir une lumière à cette interrogation. La bonté de la Création, le drame du péché, l’amour patient de Dieu qui vient au-devant de l’homme par Ses alliances, par l’incarnation de Son Fils, par le don de l’Esprit, par la force des sacrements, par l’appel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées. « J’en ai l’assurance, les souffrances du temps présent ne sont rien en comparaison de la masse de bonheur qui a été préparée pour nous », écrit saint Paul (Romains 8,16). Au cours d’une intensité éternelle du bonheur le plus fabuleux, comment l’homme ne comprendrait-il pas que Dieu ne pouvait pas proposer un stage moins exigeant avant d’y parvenir ?
Il me semble qu’un courant culturel depuis deux siècles se refuse à évoquer les immenses bonheurs préparés pour les humains. On redoute plus que tout que cela nous démobilise. Tous les humanistes ont répété cela comme une vérité absolue. Pour eux, rien ne viendra compenser les souffrances d’ici-bas. Celui qui croit au Ciel éprouve quelque honte à évoquer son espérance. Je ne vois pas en quoi l’assurance d’exercer un jour la profession de pilote ou de médecin démobiliserait un étudiant dans ses leçons de pilotage ou ses études de médecine ! C’est le contraire qui est vrai ! La foi en l’éternité est un trésor d’Espérance.

La plupart des saints ont connu un lot de souffrances bien supérieur à celui de la moyenne des humains 

« J’achève dans ma chair ce qui manque à la Passion du Christ pour son corps qui est l’Église », disait saint Paul. La plupart des saints se réjouissent de s’unir au Christ souffrant. Le croyant chrétien ne cherche pas dans sa foi un abri. A chaque messe, il s’unit à d’autres pour « le rassemblement des sauveurs fatigués ». La messe est le « bureau de recrutement » des volontaires d’un combat contre les causes du mal Dans son encyclique « Spe Salvi », le pape Benoît XVI évoque le martyr de Paul Le Bao Tinh, torturé dans un camp de concentration. Les pires souffrances devenaient pour ce martyr chant de louange. Il en fut de même pour Maximilien Kolbe.

  • 5. 

Ce fut aussi le chemin du Christ. D’une part, il n’a pas cessé de guérir des aveugles, des muets, des sourds, des paralysés, des possédés. D’autre part, il n’a pas été épargné. Il a même subi ce qu’il y a de pire : la torture. Selon la belle formule de Paul Claudel : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance ; Il n’est même pas venu l’expliquer. Il est venu pour la remplir de sa Présence. »

Jésus n’a pas été stoppé par le risque de souffrir, d’être arrêté, torturé, crucifié.

Il n’a pas été freiné dans son élan, un élan qui ne pouvait que le mener au martyre. Il a été victime par amour de la Vérité. Il choquait profondément la mentalité sacerdotale de son époque.
Il est très important de bien montrer que la souffrance peut être transfigurée. Mais on ne peut pas dire que Jésus nous a sauvés par la souffrance ! C’est son amour qui est sauveur !!!

Marthe Robin écrivait : « Ne me dites pas : Merci de souffrir ! Dites-moi : Merci d’aimer ! »

La souffrance ne peut pas être aimée pour elle-même. Elle est, dans certaines circonstances, comme la plus irréfutable preuve de l’amour. « Celui qui n’est pas capable de souffrir pour moi est un négociant qui installe son commerce dans mon cœur. » (Léon Bloy). Une mère qui répugnerait à veiller son enfant malade, comment serait-elle crédible en affirmant qu’elle l’aime ?...

Le Père n’a jamais abandonné le Fils : Il était, au contraire, intimement présent au cœur de sa Passion

Nous croyons souvent que Dieu nous abandonne lorsque nous souffrons, nous croyons qu’Il nous laisse souffrir... On pense parfois que les propos de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-Tu abandonné ? » pourraient être la preuve que Dieu a délaissé Son Fils. C’est faux ! Jésus cite le premier verset du psaume 22 pour évoquer l’ensemble du psaume qui montre, au contraire, la victoire du Messie sur toutes les forces du mal. C’est un « code » donné par Jésus. Il ne pouvait pas mieux inviter ses amis à ne pas céder au désespoir : « Ne vous y trompez pas ! Lisez la suite de ce verset ! Lisez ce Psaume messianique jusqu’au bout ! » Le troisième tiers du psaume 22, en effet, chante la libération définitive contre toutes les forces de mort.
« Jésus a souffert, donc il est l’un des nôtres. » Oui ! À Gethsémani, il souhaita être délivré de cette épreuve terrible qu’il entrevoyait. Oui ! Mais son cri sur la croix ne voulait pas dire qu’il se croyait réellement abandonné ! Ce psaume ne voulait pas dire qu’il était loin du Père. Jésus n’a jamais pensé que le Père du Ciel, son père, l’abandonnait ! « Sur la croix, le Père est nu » (Paul Claudel)

Jésus a souffert une grande partie de sa vie

Jésus n’a pas souffert uniquement sur la croix ou lors de son procès : il a souffert d’avoir été incompris durant toute sa vie publique. « Combien de temps me faudra-t-il vous supporter ? » soupire-t-il devant ses apôtres. Comme dit le poète : « Tout se perd et rien ne vous touche, ni mes paroles, ni mes mains, et vous passez votre chemin sans savoir ce que dit ma bouche. » Ce sentiment d’incompréhension lorsqu’il livrait son message d’amour, de pardon, de réconciliation était pour Jésus une très grande souffrance. Cette souffrance-là, ses disciples la vivent aussi. Nous avons souvent le sentiment de prêcher dans le désert, de ne pas être entendus. Nous voyons que les valeurs spirituelles ne sont pas reconnues, que Noël et Pâques, pour la plupart des gens, sont des fêtes païennes à la gloire du père Noël, des huîtres et du chocolat...

Nous sommes sur une planète où frappe de toutes parts le désordre

Nombreuses sont les personnes qui se plaignent de Dieu à cause des catastrophes naturelles : tsunamis, inondations, éruptions volcaniques, séismes, etc. Et on dit : « Dieu ne fait pas Son métier de Dieu, Il aurait dû organiser un peu mieux la Création !... » Ils ignorent que ces dangers cosmiques font partie d’un ensemble de conditions qui permettent l’émergence de la vie sur la planète. Haroun Tazieff, qui n’est pas croyant, le démontre très bien : sans volcans ni séismes, il n’y aurait aucune vie sur terre. Mais ce vulcanologue montre que les crédits pour développer les mesures parasismiques sont insuffisants.

  • 6. 

Nous sommes tous appelés, à l’exemple du Christ, au don de nous-mêmes pour combattre le malqui écrase nos frères et à accepter et dépasser, avec l’aide de Dieu, les difficultés et les malheurs inéluctables que nous rencontrerons au long notre vie.

Dans la Bible, la souffrance devient l’occasion d’une solidarité

Innombrables sont les pages où quelqu’un échappe à la mort parce qu’un autre l’a secouru. Je pense à l’histoire bien connue de Joseph vendu par ses frères. Elle nous montre un juste, innocent, condamné à dix ans de prison pour un crime qu’il n’a pas commis. Devenu ministre d’Égypte, il sauve ce pays et les pays environnants de la famine. Il accueille ses frères venus chercher de la nourriture en Égypte, et leur dit : « Ne pleurez pas, tout cela fut un mal pour un bien ! »
Suzanne qui échappe à la condamnation grâce à l’intervention du jeune Daniel...
Nous trouvons de nombreux récits semblables dans la Bible. Ils peuvent nourrir notre Espérance.

Le problème de la souffrance, c’est le problème de la solidarité : l’Abbé Pierre, Mère Teresa, Dom Helder Camara, le père Ceyrac, et tant d’autres... l’ont démontré

J’ai rencontré le pape François il y a dix-sept ans à Buenos Aires. Toute notre conversation a porté sur ce que font les prêtres des banlieues pour soulager la misère dans les bidonvilles. Son éditeur m’a demandé de rédiger la préface de deux recueils des enseignements qu’il dispensait quand il était archevêque de Buenos Aires. Dans ses propos reviennent les mots « prendre soin ». Dieu nous a confié nos frères pour en prendre soin. Au soir de notre vie, il ne nous sera pas demandé : « Combien de retraites as-tu suivi ? Combien de prières as-tu récité ? » Il nous sera demandé : « Combien d’hommes as-tu soulagés ? » Le problème de la souffrance, c’est le problème de la compassion, de la miséricorde, de la tendresse, de la solidarité.

La civilisation chrétienne s’est bâtie sur l’éloge du sacrifice et du don de soi

Lors de ses conférences aux USA en 1941, Antoine de Saint Exupéry demandait à la jeunesse : « Venez nous délivrer du nazisme ! » Il raconte que, dans sa vie, il y a eu deux versants. L’un, dans la facilité d’une vie de plaisirs avec des amis, et l’autre où on réclamait de lui un effort : se lever tôt, prendre l’avion dans le froid pour aller dépanner quelqu’un, soulager, sauver, etc. Et il ajoute : « Je n’ai de souvenir que des moments où je me suis donné. » Il fait l’éloge du sacrifice. Il répète sur tous les tons : « la vocation de l’être humain, c’est de se donner. » Le Christ a changé la croix, signe de la barbarie la plus abjecte, en signe de l’amour le plus pur. « Il n’y a pas d’amour plus grand que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » La crucifixion était en plus d’une mise à mort, une mise à la poubelle. On ne parlait plus jamais d’un crucifié. Le Christ a consenti à perdre la face pour nous rendre un visage. C’est sur la croix que la transcendance de Dieu apparaît avec le plus de force. Là où il y a le plus d’amour, c’est là qu’il y a le plus de Vérité.

Dieu nous appelle à nous mettre au service de ceux qui souffrent

Il faut toujours revenir au chapitre 58 du Livre d’Isaïe dans lequel Dieu constate que les hommes ont creusé un fossé entre eux et Lui. « Je vais vous dire quel est le jeûne qui Me ferait plaisir : c’est de soulager ceux qui souffrent, de donner des vêtements à ceux qui sont nus, de libérer ceux qui sont asservis, de visiter ceux qui sont en prison, de soigner ceux qui sont malades ». Ce chapitre d’Isaïe est capital. Dieu continue en affirmant : « Si tu agis ainsi alors tes blessures seront cicatrisées. » J’explique souvent à ceux qui viennent me confier leurs souffrances : « Vous cicatriserez vos propres blessures en étant solidaires des blessures des autres. »

Dieu veut nous mobiliser pour que nous prenions soin de nos frères

Dieu ne va pas nous caresser l’encolure et préconiser : « Couche-toi sous l’arbre et attend que les fruits tombent. » Il nous dit : « Relève-toi, développe tes talents pour lutter contre ce qui écrase tes frères. » L’épreuve n’est pas bonne en soi, elle est hideuse, mais tu peux lui donner une signification. Elle peut être pour toi une chance, une occasion. Elle est une pro-vocation (séparons bien les deux termes de ce mot : pro – vocation). Le tsunami en Indonésie a fait 200 000 morts, mais de nombreuses personnes se sont mobilisées. Elles ont su tendre la main à leurs frères qui souffraient.

Dieu nous rend responsables de nous même

C’est à nous de prendre les choses en main. Nous avons les instruments pour prévoir l’arrivée imminente d’un tsunami (cf. Haroun Tazieff)... La défection du côté des humains provoque le désordre et le malheur. Les conséquences sont souvent très graves. Si Dieu avait fait un monde différent, il n’y aurait pas d’hommes. À l’époque de Cro-Magnon, les 9/10e de l’humanité sont morts de froid. Peut-on accuser Dieu de non-assistance à créature en danger ? Dieu aurait-Il dû envoyer des caisses avec des fourrures, des briquets, des boîtes d’allumettes ? Non. Il a donné aux premiers humains assez d’ingéniosité pour inventer le feu. Nous leur devons respect, admiration et gratitude !...

Il me semble que le problème de la souffrance est devenu la cause majeure de l’athéisme

Et l’athéisme l’aggrave encore ! En effet, si chaque vie gâchée n’a aucune contrepartie dans le bonheur éternel, alors, pour ceux qui n’ont connu que la souffrance, la révolte ou le désespoir semblent inéluctables et ils augmentent encore le malheur.
Dans notre Credo, nous disons : « Je crois à la vie du monde à venir. » C’est le terme de nos vies qui en éclaire la trajectoire. Si nous marchons vers une éternité du bonheur le plus immense dont on puisse rêver, je suppose qu’il n’y aura alors, au bout du chemin, aucune réclamation. Le plus farouche des athées nous dira peut-être : « C’est trop beau ! Comment se fait-il que vous n’ayez pas su nous expliquer ? »

d'après le père Stan Rougier - aleteia.org


Écrire commentaire

Commentaires: 0

Si vous souhaitez nous contacter:

Note : veuillez remplir les champs marqués d'un *.