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LA PAPAUTÉ AU FIL DE L'HISTOIRE 


 Les clefs de saint Pierre, une d’or et une d’argent, figurent sur les armes  de l’Eglise romaine, le blason et le sceau de l’Etat pontifical et le drapeau du Vatican. Elles symbolisent le pouvoir spirituel (or) et le pouvoir temporel (argent) des Papes.
Les clefs de saint Pierre, une d’or et une d’argent, figurent sur les armes de l’Eglise romaine, le blason et le sceau de l’Etat pontifical et le drapeau du Vatican. Elles symbolisent le pouvoir spirituel (or) et le pouvoir temporel (argent) des Papes.

« Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, faits participants à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l'accomplisse dans le monde. Cette Église, constituée et organisée en ce monde comme une société, subsiste dans l’Église catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les Évêques en communion avec lui. Sont pleinement dans la communion de l’Église catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Église, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique. »  d’après le catéchisme de l’Église Catholique 

 

"Tu es heureux, Simon, fils de Jonas [...] et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes des enfers ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux: ce que tu lieras sur la Terre sera lié dans les Cieux, et ce que tu délieras sur la Terre, sera délié dans les Cieux."--  Jésus s'adressant à l'Apôtre Pierre, dans l'Évangile selon Saint Matthieu, chapitre 16 versets 17 à 19.

 

Qui est vraiment le Pape ? Le terme désigne en fait l'évêque de Rome. Placé à la tête d'une communauté chrétienne sur un territoire défini et chargé de transmettre et d'enseigner la foi, les évêques sont considérés comme les successeurs des apôtres. L'évêque de Rome a une place particulière: en tant que successeur de Pierre, il est le chef de l'Église catholique romaine, son père spirituel, dont le chef "invisible" est le Christ lui-même. Mais c'est aussi un puissant chef d'État, dont les relations souvent difficiles avec les souverains temporels ont façonnés l'Histoire de l'Occident et même au-delà, depuis le Haut Moyen-Âge jusqu'à nos jours.

 

Pour contextualiser, dans les temps primitif, il fut un temps où être Pape était un apostolat dangereux: sur les 33 premiers évêques de Rome qui se sont succédés depuis l'apôtre Pierre jusqu'au Pape Sylvestre Ier, la tradition chrétienne nous dit qu'à part de rares exceptions, ils sont tous morts en martyr ! Les sources historiques ne permettent pas de confirmer si l'hécatombe a vraiment eu une telle ampleur, mais on a malgré tout la certitude que la plupart des Papes jusqu'à l'époque de l'empereur Constantin ont effectivement été victimes de nombreuses persécutions et que peu d'entre eux sont morts de vieillesse dans leur lit. Les trois premiers siècles de l'histoire du christianisme sont empreints de souffrance de ses martyrs, mais les pères de l'Église primitive avaient déclaré que "le sang des martyrs était la semence de l'Église". Plus les chrétiens versaient leur sang en mourant pour leur foi, plus le christianisme se rependait pour libérer un monde païen qui haïssait le christianisme pour la même raison qu'il avait crucifié Jésus-Christ: il ne voulait pas entendre la "Vérité". Les chrétiens croient que le Christ lui-même est mort pour le salut de tous les hommes et pour les chrétiens, mourir en martyr plutôt que d'abjurer sa foi était un idéal qui rendait grâce de la mort de Jésus.


L'Ichtus  vient du grec ancien, il signifie «poisson». Les premiers chrétiens, sous les persécutions, se servaient de ce symbole comme code secret pour se reconnaître entres eux. Depuis l'Ichtus est devenu un symbole important de l'Eglise primitive.
L'Ichtus vient du grec ancien, il signifie «poisson». Les premiers chrétiens, sous les persécutions, se servaient de ce symbole comme code secret pour se reconnaître entres eux. Depuis l'Ichtus est devenu un symbole important de l'Eglise primitive.

 

Concernant son appellation, le mot "pape" n'a rien d'un titre officiel, du moins dans les premiers temps. Il vient du grec "papas" et il signifie tout simplement "père". Dans l'Église primitive, les chrétiens utilisaient ce mot pour désigner ceux qui, les ayant convertis, étaient devenus leurs pères spirituels. L'appellation de "pape" était alors donnée de façon affectueuse à la plupart des représentants officiels de l'Eglise, qu'ils soient évêques, abbés voire simples prêtres. Aussi, au IVe siècle, le titre devient de plus en plus exclusif vis-à-vis de l'évêque de Rome. En effet, on parle alors du "Papa urbis Romae Aeternae", "pape de la ville éternelle de Rome." Ce n'est cependant qu'à partir du Ve siècle que le mot "pape" commence à désigner plus spécifiquement l'évêque de Rome ainsi les autres évêques, sans pour autant que cet usage soit pour autant systématique. Cela deviendra une évidence au fur et a mesure des siècles et pour éviter la confusion entre l'évêque de Rome et les autres évêques, on réserva désormais l'appellation "pape" au sucesseur de Pierre. Ainsi l'évêque de Rome devint le Pape et c'est avec le Pape Grégoire VII (1073-1085) et son décret, le "Dictatus papae" que l'usage exclusif et systématique du mot est désormais réservé pontife romain. Pour l'Église, le rôle du Pape est primordial, le Code de Droit Canonique, la Loi de l'Église, le défini ainsi: "l'Évêque de l'Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d'une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre; c'est pourquoi il possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement.

Qu'est-ce que ça veut dire ? 
Pour faire simple, le pape à un pouvoir dit "
ordinaire" parce qu'il exerce son autorité, en tant que successeur de Pierre, de manière habituelle et naturelle et non pas dans des circonstance extraordinaires ou exceptionnelles. Un pouvoir suprême car il n'y a pas d'autorité plus élevée, dans l'Église, que celle du Pape. Un pouvoir plénier car il touche à tous les aspects de la vie de l'Église. Un pouvoir immédiat, car il détient son autorité de Dieu et enfin, un pouvoir Universel: car il exerce sa gouvernance sur l'ensemble de l'Église et de ses membres. Ces prérogatives sont dites "libre", dans la mesure où le Pape est indépendant de toute autorité humaine, séculière et religieuse et qu'il agit de son propre chef.

Tout cela sont, d'une certaine manières, de armes qui servent à sa prime et singulière mission: celle de diriger l'Église et de raffermir ses fidèles dans leur foi, de les guider en eaux troubles et d'annoncer que Christ est mort est ressuscité pour la Gloire et le Salut du Monde. Voilà c'est qu'est un Pape.

L'Apôtre Pierre, premier Pape de l'histoire de l'Église chrétienne.
L'Apôtre Pierre, premier Pape de l'histoire de l'Église chrétienne.

Pour ce qui est de ces prérogatives, il faut tout de même préciser que, pendant toute la période que l'on désigne par l'expression "christianisme primitif", la fonction papale était avant tout d'ordre spirituel et son rôle politique est quasiment inexistant. Les choses basculent au cours du IVe siècle, d'abord avec Constantin, qui en 325 fait du christianisme la religion officielle de l'Empire, tout en autorisant les autres cultes, mais surtout avec Théodose, qui l'impose en 385 comme religion unique et obligatoire. Le problème des relations entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel s'est posé dès Constantin: qui dirige au nom de Dieu, le Pape ou l'empereur ? L'élection de l'évêque de Rome était faite par le clergé et par les fidèles (elle ne sera le privilège des cardinaux qu'aux XIe siècle), mais elle devait être approuvée par l'empereur, ce qui constitue une prééminence assez évidente du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. Pour l'instant le Pape est avant tout le gardien de l'orthodoxie de la foi et son rôle consiste essentiellement à organiser des grands conciles afin de statuer sur les questions théologiques en suspens et juger les diverses hérésies qui voient le jour dans l'Empire, surtout en OrientLes choses changèrent considérablement avec le chute de l'Empire Romain d'Occident. À la mort de Théodose en 395, l'Empire Romain s'était déjà définitivement scindé en deux. En 410 les Wisigoths d'Alaric prennent et pillent Rome. C'est le début de la fin: l'Empire Romain d'Occident se débat, mais il ne peut empêcher son inexorable décomposition et il est remplacé par un mosaïque de royaumes barbares. La chute finale a lieu en 476 et des siècles de guerre vont suivre. Dans ce chaos général, les Papes sont souvent amenés à organiser à tous les niveaux les besoins de la population romaine, des fonctions qui relèvent habituellement du pouvoir temporel. Ils en retirent une autorité légitime. La paix et l'unité du monde romain étaient autrefois assurées par la Pax Romanale concept d'Occident chrétien, qui associe une aire géographique, l’Europe, à l'Église, va être une forme de résurgence de ce système.


L'évêque de Rome occupe à ce moment-là, dans l'Église, une place prédominante. En effet, en tant que successeur de Pierre, bien que les patriarches désignés d'Antioche, d'Alexandrie, de Constantinople et de Jérusalem occupent en ces temps une place importante, la primauté de l'évêque de Rome fait foi: "l'évêques des évêques" (Saint Cyprien), "le Pontife des chrétiens" (Eusèbe de Césarée), "le Pasteur des troupeaux" (Saint Ambroise), la "Pierre de l'Église" (Saint Jérôme), la "Tête de la famille du Christ" (Saint Jean Chrysostome). Par ailleurs, Saint Ignace d'Antioche (35-107) et Saint Irénée (130-202) affirment que le siège de Rome est le premier de l'Église. Ce ne peut évidemment être le premier chronologiquement. Il s'agit donc d'une primauté de doctrine et de juridiction, Théodoret de Cyr écrit: "Le siège de Rome détient la primauté sur les Églises du monde entier." En ce qui concerne sa désignation, le Pape siège à Rome, lieu de mort et de martyr du chef des Apôtres, Pierre. Jusqu'à l'An-Mil, il est élu par acclamations par le peuple chrétien de la ville, comme les autres évêques. Aujourd'hui, il est élu par ses proches conseillers les cardinaux qui, comme au temps jadis, implorent l'action de l'Esprit-Saint lors du Conclave. Le Pape est souvent requis comme pacificateur ou arbitre, tel Léon Ier face à Attila ou plus récemment Jean XXIII avec la crise des fusées de Cuba ou encore Jean-Paul II dans le conflit du Beagle opposant le Chili et l'Argentine. Il joue aussi un rôle majeur dans l'évangélisation et dans la propagation de la foi sur la surface du globe.

 

Mais dès le début du Moyen-âge, les dissensions se multiplient entre le clergé d'Occident, proche de Rome, et celui de Byzance, avec des querelles théologiques dont le sens nous échappe aujourd'hui, autour du culte des images, du Filioque (débat sur la question de l'action du Père par l'Esprit-Saint ou du Credo). Au VIIIe siècle, le déclin de l'Empire Romain d'Orient, protecteur traditionnel de la chrétienté, conduit le Pape à chercher la protection des Francs et de leurs rois, Pépin le Bref puis Charlemagne. Ceux-ci, en retour, accordent à l'évêque de Rome leur protection, notamment face aux Lombards et aux Byzantins. 

 

Ils lui reconnaissent une primauté sur les autres évêques et en particulier le patriarche de Constantinople. Enfin, ils lui concèdent un vaste territoire au cœur de la péninsule italienne pour lui assurer son indépendance face aux principautés environnantes: c'est ainsi que naissent les États-Pontificaux, sous le pontificat du Pape Étienne II en 752. Cet État perdurera jusqu'en 1870 et de nos jours, l'État de la Cité du Vatican est le territoire sur lequel le Pape exerce son autorité temporelle depuis sa fondation en 1929. 


Couronnement de l'empereur Charlemagne par le Pape Léon III.
Couronnement de l'empereur Charlemagne par le Pape Léon III.

Trois siècles après l'effondrement de l'Empire Romain, Charlemagne reprend le titre impérial romain. Le Pape Léon III (795-816) dépose la couronne d'Empereur Romain d'Occident sur sa tête, le jour de noël de l'an 800. C'est un événement capital. Charlemagne se considère à la fois comme l'obligé et le protecteur de l'Église. Il règne sur un Empire romain en partie reconstitué dont le chef, couronné par le Pape, ne doit son pouvoir qu'à l'Église. Plus qu'un État, l'Empire se confond avec la communauté des fidèles. L'Empereur en est l'autorité temporelle, dirigée et inspirée par l'autorité spirituelle du Pape. Au-delà de l'Empire d'Occident, au Nord, c'est le monde barbare du paganisme, au Sud, le monde de l'Islam, à l'Est, l'Empire Romain d'Orient, chrétien certes, mais avec lequel les relations sont de plus en plus compliquées. La société chrétienne allait recevoir sa forme définitive et la cité terrestre n'était que la préparation à l'acheminement à la cité céleste. Mais Charlemagne, qui était peu réceptif à ce genre de subtilités, considérait que la dignité impériale lui avait été conférée pour ses exploits guerriers. Or, il était malgré tout une "création" de l'Église, qui tout en ayant maintenu vivante l'idée d'Empire, se considérait comme supérieure au pouvoir qu'elle accordait à son monarque. Un quiproquo fâcheux qui anticipe sur les longues querelles entre la Sainte-Église et l'Empire.

Après la mort de Charlemagne, en 814, les dissensions au sein de son empire contribuent à affermir la papauté en érigeant le Pape en arbitre des querelles princières. Mais les choses se dégradèrent au siècle suivant, le pire qu'ait connu l'Occident. Les invasions vikings, magyars et sarrazines réduisent à néant les structures carolingiennes. À Rome, le trône de Saint-Pierre devient le jouet d'une famille locale, les Tusculum, qui fait élire des Papes insignifiants et/ou indignes. Le pire est atteint avec Octavien, plus connu sous le nom de Jean XII, qui est élu en 955 à l'âge de 18 ans sous la pression de son père Albéric, un aventurier qui gouverna Rome pendant vingt ans. Jouisseur invétéré, amateur de débauche et de dépravation, le Pape Jean XII prend le parti du roi de Germanie Otton contre le roi d'Italie Bérénger II. Il lui confère le titre d'empereur d'Occident, pour le remercier de l'avoir secouru. Mais à peine Otton a-t-il le dos tourné que Jean XII se rallie à son ancien ennemi. L'empereur n'apprécie pas la plaisanterie, revient sur ses pas et fait déposer le Pape (démettre de ses fonctions) pour immoralité et le remplace par le Pape Léon VIII. Cette décadence provoquera l'indignation des communautés chrétiennes et ne manqueront pas de réagir face à cette sombre crise de la papauté que l'on qualifie de "pornocratie pontificale" (904-963).

Le Saint-Empire Romain Germanique en 962.
Le Saint-Empire Romain Germanique en 962.

Toutes ces querelles ne sont que les prémices d'une remise en question de l'autorité papale et c'est avec la fondation du Saint-Empire Romain Germanique en 962 que les choses prennent une toute autre tournure. En effet, l'empereur germanique entend désormais décider de l'élection pontificale et nommer les évêques, affirmant la prééminence du pouvoir temporel sur celui de l'Église, comme au temps de Rome. Ses successeurs ne vont dès lors cesser d'intervenir dans les affaires italiennes, en s'autorisant un droit d'intervention sur les élections pontificales, en concurrence avec les grandes familles romaines. Le Saint-Empire Romain Germanique est fondé à partir de l'ancienne Francie orientale carolingienne, il se réclame directement de l'Empire romain antique et il se raccroche à l'idée d'une domination universelle. Le qualificatif "Saint" souligne le droit divin de l'empereur, qui se considère comme le représentant de Dieu sur Terre. L'Église ne l'entend pas de cette oreille et s'en suit alors une longue querelle épique dite "des investitures" (1075-1122): c'est en 1075, sous la prescription de Grégoire VII que le Pape sera désormais élu par une assemblée de cardinaux et non plus par le peuple, soudoyé par les grandes familles romaines. Grégoire VII et ses successeurs vont lutter aussi pour assurer l'autonomie de l'Église face aux interventions des souverains séculiers dans la désignation des évêques et des abbés, autrement dit, des chefs des églises locales.  Cette querelle des Investitures se résout provisoirement en 1122, mais va resurgir périodiquement jusqu'au XXe siècle, débouchant à chaque fois sur un concordat (un accord) entre l'État concerné et le Saint-Siège. Le Pape va dès lors s'affirmer comme le chef suprême de la chrétienté occidentale, l'Église dite catholique (d'un mot grec qui signifie universelle) se présentant comme un souverain spirituel mais aussi séculier, attaché à défendre les États-Pontificaux et sanctionner les agissements coupables des souverains, en usant notamment de l'arme la plus dissuasive qui soit, l'excommunication. Le pontificat du Pape Innocent III marque l'apogée de cette Église médiévale.

Vient le schisme de 1054 qui désigne en principe la rupture survenue le 16 juillet 1054 entre l’Église de Rome (Occident) et l’Église de Constantinople (Orient). Au XIe siècle, les relations entre le patriarche de Constantinople et le Pape étaient très tendues depuis déjà deux siècles. À partir du IXe siècle, l'Italie du Sud était sous juridiction de l'empereur byzantin, là où s'élevaient de nombreuses églises de rite grec. Or, le Pape entendait y implanter le rite latin, comme dans le reste de la péninsule italienne et dans le reste de l’Europe. En réponse aux mesures du Pape, le patriarche de Constantinople fit fermer les couvents et les églises latines de Constantinople pour cause de non-respect des usages liturgiques grecs.

 

Il s'ensuivit une excommunication réciproque entre le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire (de mars 1043 à novembre 1058) et le Pape de Rome, Léon IX (de 1049 à 1054). Les croyants n'en firent peu de cas, et ce, d'autant plus que le décès du Pape Léon IX frappait d'invalidité l'excommunication prononcée contre le patriarche de Constantinople, mais la situation allait s'envenimer davantage par la suite. L'essentiel du contentieux entre les deux Églises chrétiennes reposait sur l'étendue du pouvoir accordé respectivement à l'évêque de Rome et à l'évêque de Constantinople. Ce dernier est réticent a se soumettre à la primauté de l'évêque de Rome, du Pape, qui pourtant est communément acceptée de tous. Outre cette querelle sur l’ordre «hiérarchique» à fixer entre l'évêque de Rome et l'évêque de Constantinople, le différend prit une dimension politique. En effet, le Pape est devenu un sujet de l'empereur romain d'Orient. Celui-ci avait comme mission d'assurer la sécurité du Pape, le chef de l'Église. L'empereur manquant à son devoir, c'est avec Charlemagne, que le Pape sacre du titre d'«empereur des Romains», que l'Église trouve un défenseur par l’élimination des Lombards qui menaçaient grandement la ville de Rome. Dès lors, l'Église choisissait le Saint Empire romain germanique (Occident) au dépens de l'Empire d'Orient. Avec le sacre de Charlemagne, le monde romain de l'Antiquité se trouvait désormais partagé entre trois empires rivaux: l'Empire carolingien en Europe (capitale : Aix-la-Chapelle), l'Empire byzantin en Anatolie (capitale: Constantinople) et l'Empire arabe au Proche-Orient et au Maghreb (capitale : Bagdad). Il y avait aussi des rivalités d'ordre culturel et linguistique: l'Église de Constantinople utilisait le grec, alors que c'était le latin à Rome.

 

L'Église d'Orient resta toujours très influencée par la philosophie et la littérature grecques, ce qui allait faciliter la conversion massive des peuples slaves au christianisme byzantin (orthodoxe). À ces rivalités s'ajoutèrent des affrontement dogmatiques, liturgiques et disciplinaires. Ainsi, le mariage des prêtres était autorisé à Constantinople, pas à Rome. Les relations entre l'Église de Rome et l'Église de Constantinople reprirent provisoirement, mais le pillage de Constantinople par les croisés en 1204 allait consacrer définitivement la rupture entre les deux mondes. Après des siècles et des siècles de tensions et de conflits, c'est avec le concile Vatican II (1962-1965) que les rapports se bonifient. En 1965 une déclaration commune ratifiée entre le patriarche de Constantinople, Athénagoras Ier et le Pape Paul VI (1963-1978), met fin aux excommunications en vigueur depuis le schisme. La réunification est enfin possible.

Empire des Seldjoukides en 1092.
Empire des Seldjoukides en 1092.

Mais un autre conflit de plus grande ampleur est en train de naître: en 1078, les Turcs seldjoukides envahissent Jérusalem, massacrant la totalité de la population de la ville et réduisant les chrétiens à la soumission et à l'esclavage. Les turcs interdirent l'accès aux lieux-saints ce qui provoqua la fureur des royaumes chrétiens. L'Empire Romain d'Orient vaincu en 1071 ne put empêcher les Turcs de s'établir à Nicée en 1078, ils y fonderont un royaume trois ans plus tard. L'empereur Alexis Ier, excédé et impuissant, demande à plusieurs reprises l'aide du Pape pour contrer cette nouvelle menace. C'est en 1095, au concile de Clermont, que le Pape Urbain II répond aux demandes de l'empereur, en lançant un appel à la croisade, et appelle à secourir l'empereur et de libérer la Terre-Sainte de Jérusalem. De nombreuses nations répondirent aux sollicitations du Pape et la croisade sort victorieuse en libérant Jérusalem en 1099. Cette première croisade n'est que le commencement d'un profond conflit historique entre chrétiens et musulmans. Certaines croisades, comme la première, ne sont que des actes d'auto-défense et malheureusement d'autres, seront l'objet d'intrigues politiques aboutissant parfois à des actes de guerre et de violences injustifiées. Au total huit croisades s'étalant de 1095 à 1270.

 

Outre les croisades, le monde chrétien à cette époque voit fleurir bon nombre d'institutions monastiques, c'est l'apogée du mouvement canonial conforme aux règles de l'Église. Les Papes continuent la réforme monastique engagée depuis le siècle dernier (909-1099) quand Cluny avait réagi au relâchement des mœurs ("pornocratie pontificale"). D'autres fondateurs suivent: Saint Bruno fonde l'ordre des Chartreux en 1090, Saint Robert de Molesmes l'ordre de Citeaux en 1098, Saint Bernard l'ordre de Clairvaux en 1115. 


En 1059, le Pape Nicolas II réserve l'élection du Pape aux cardinaux, ses conseillers. Néanmoins et malgré la réforme grégorienne (1073-1085) et les injonctions répétées des Papes, pendant plusieurs siècles encore, empereurs et autres souverains vont conserver la détestable habitude de se mêler des élections pontificales, en concurrence avec les grandes familles romaines (ce n'est qu'en 1903, avec l'élection du Pape Saint Pie X, que prendront fin les interventions étatiques, "l'exclusive", c'est-à-dire la possibilité pour un État catholique de récuser un postulant, est abrogée). L'élection pontificale devient de plus en plus corsée jusqu'à l'élection de Grégoire X, en 1271: les cardinaux, réunis à Viterbe, n'arrivent pas à s'entendre après deux ans et demi de tergiversations. L'élection aboutit seulement après que Saint-Bonaventure ait suggéré au podestat (ou seigneur) de la ville d'enfermer les cardinaux dans le palais épiscopal. Réduits au pain et à l'eau, ils se mettent enfin d'accord sur le nom du futur Pape. 

Symbole du Sede Vacante
Symbole du Sede Vacante

Au concile de Lyon en 1274, Grégoire X, tirant la leçon de son élection, rend obligatoire la clôture des cardinaux en un lieu d'où nul ne pourrait entrer ou sortir sous peine d'excommunication. C'est ainsi que le conclave est né, le nom vient d'une expression latine "Cum clave" qui s'applique à une pièce fermée à clé. La Sacré-Collège désigne l'assemblée chargée d'élire un nouveau Pape. Celui-ci peut être choisi parmi tous les baptisés adultes de sexe masculin (en pratique il est issu du collège des cardinaux, prélats ayant fonction de conseiller auprès du Saint-Siège). L'élection se déroule entre le 16e et le 19e jour suivant la mort - ou la renonciation - du Pape précédent, la période transitoire où le siège pontifical est vide se nomme le "Sede Vacante", expression italienne signifiant le "trône vacant". Aujourd'hui y participent tous les cardinaux de l'Église catholique âgés de moins de 80 ans (un peu plus d'une centaine aujourd'hui). Les cardinaux sont enfermés dans un lieu clos (la chapelle Sixtine). Ils votent autant de fois qu'il le faut à bulletins secrets, deux fois le matin, deux fois l'après-midi. Chaque vote négatif se solde par une fumée noire qui apparaît au-dessus des toits du Vatican. 

Une que fois les deux tiers au moins des cardinaux se mettent d'accord sur une personne, celle-ci se voit proposer la charge suprême et les bulletins sont brûlés sur de la paille humide pour produire la fameuse fumée blanche qui annonce l'élection. Les cardinaux sont "libérés" et l'un d'eux, que l'on appelle le cardinal protodiacre, annonce à la foule rassemblée sur la place Saint-Pierre de Rome la formulation suivante:

 

Annuntio vobis gaudium magnum ! (Je vous annonce une grande joie !)

Habemus Papam ! (Nous avons un Pape !)

Eminentissimum ac reverendissimum dominum, (Le très éminent et très révérend seigneur,)

dominum [prénom(s) de l'élu] (Le seigneur [...])

Sancate Romanae Ecclesiae cardinalem [Nom de l'élu] (cardinal de la sainte Église romaine [...]

qui sibi noem imposuit [nom de règne de l'élu] (Qui s'est donné le nom de [...])


Le Pape Innocent III, le Pape qui mit fin à l'hérésie cathare.
Le Pape Innocent III, le Pape qui mit fin à l'hérésie cathare.

Le XIIIe siècle est marqué par une lutte effective entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Les Papes détenteurs de ces deux autorités, face à des rois et à des empereurs réticents. L'Église s'épanouit en un puissant État tandis que l'Empire Romain Germanique s'effondre. La France sous Philippe Auguste (1180-1223), puis sous Louis VIII le Lion (1223-1226) est en pleine explosion démographique: villes et villages s'y multiplient. Les histoires nationales apparaissent, en France comme en Europe, et c'est à l'abbaye de Saint-Denis que prend naissance la première Historia regum francorum. La nation française est née de l'Église y a joué un rôle détonateur en tant que "Fille aînée de l'Église".  C'est avec le roi Louis IX, communément appelé Saint Louis (1126-1270), que la foi devient la première des vertus. Les rois sont d'ailleurs plus dévots que chrétiens ! La confession devient obligatoire. Les théologiens remplacent les historiens dans leur rôle de rapporteurs des faits politiques et religieux. Ils racontent la vie des croisés partis sauver la Terre sainte. Cette magnificence de la foi chrétienne en France se heurtera à l'hérésie cathare. Les cathares constituent une secte installée en Allemagne, en Italie et dans le Sud de la rance, du côté d'Albi. Une secte dangereuse pour l'État qui voit d'un mauvais œil leur succès populaire, troublant l'ordre établi entre l'État et l'Église. L'hérésie sera finalement vaincue mais laissera une empreinte qui aura une action positive sur les membres de l'Église qui s'interrogent sur les fondements de l'organisation démembrée. Le peuple reproche à l'Église sa trop grande richesse, on constate alors l'émergence des ordres mendiants, tels les frère prêcheurs de Saint Dominique (dominicains) et les frères mineurs de Saint François d'Assise (franciscains). Devant l'ignorance religieuse de la population, ces religieux s'efforcent de diffuser la Bonne Parole au milieu des foules. Le commerce avec l'Orient et l'Extrême-Orient se développe, en partie grâce à l'Empire Mongol, qui sert de plaque tournante. Les Vénitiens vont, eux aussi, sur les routes de l'Est et les plus célèbres de ces aventuriers sont les hommes de la famille Polo: Matteo et Niccolo. Investis d'une mission auprès du Pape par le grand Khan pour lui demander d'envoyer cent docteurs savants dans les sept art, ils rentrent bredouilles, mais on constate que le Pape reste l'interlocuteur privilégié des souverains d'Orient. À la fin du XIIIe siècle, l'idéal de la croisade se meurt et l’esprit de mission apparaît - les franciscains partent en Extrême-Orient -, facilité par cette révolution commerciale.


Représentation du procès des Templiers
Représentation du procès des Templiers

Au début du XIVe, le procès de l’ordre du Temple fut l'affaire judiciaire des plus rocambolesques. Elle commence par une spectaculaire opération de police minutieusement préparée: le 13 octobre 1307, sur ordre de Philippe le Bel, tous les Templiers du royaume de France sont arrêtés. Les chefs d'accusation comprennent l'hérésie, la simonie, la sodomie et l’idolâtrie, mais les véritables motivations du roi du France sont d'ordre politique et économique. L’ordre du Temple est une puissante organisation religieuse à vocation militaire dépendant uniquement du Pape, avec un important patrimoine foncier (les commanderies) réparti dans la plupart des grands royaumes chrétiens et bénéficiant de privilèges exceptionnels. Un véritable État dans l'État de plus en plus difficile à justifier depuis la fin des croisades, pour lesquelles l'ordre avait été spécifiquement créé. À court de liquidités, Philippe le Bel comptait confisquer les prétendues richesses des Templiers en liquidant purement et simplement l'ordre. Le Pape Clément V n'est pas dupe de la supercherie, mais il s'incline sous la pression du roi de France, dont la détermination s’apparentait à de l'acharnement, et prononce la dissolution de l'ordre en 1312. Niant les chefs d'inculpation qui leur étaient reprochés, les Templiers ont fini par avouer n'importe quoi sous la torture. La plupart seront brûlés vifs, hurlant leur innocente dans un dernier cris de désespoir, ou termineront leur vie dans une geôle sombre et humide. La papauté a été incapable de défendre une organisation qui, pendant deux siècles, s'était battue avec courage, loyauté et abnégation, avec la bénédiction de l'Église, pour la défense de la chrétienté et dont la seule chose qu'on pouvait réellement reprocher était une certaine arrogance. Pourtant, lors du Concile de Vienne, personne ne croyait vraiment à la culpabilité de l'ordre. Mais Clément V refusa qu'une défense soit organisée, sacrifiant les Templiers au profit de ses relations avec Philippe le Bel et menaçant d'excommunication quiconque oserait prendre la parole. Pourtant, un parchemin retrouvé en 2002 prouve que le Pape Clément V a absous secrètement les Templiers, rejetant toute la responsabilité sur le roi de France.


Le Palais des Papes d'Avignon, fut la résidence des Papes de 1309 à 1418
Le Palais des Papes d'Avignon, fut la résidence des Papes de 1309 à 1418

De 1309 à 1376, les Papes, chahutés par les guerres, s'installent en France, à Avignon, sous l'influence du roi Philippe le Bel. Ils créeront le schisme en Occident. Sept Papes français font ce siècle et les Italiens piétinent d'impatience en attendant le retour d'un pontife à Rome. Depuis Saint-Pierre, le siège de la papauté a toujours été Rome. La petite cité d'Avignon va devenir la nouvelle résidence et aux XIe et XIIe siècles, une lutte d'influence oppose le Pape à l'Empereur, chef du Saint Empire Romain Germanique. L'Empereur, descendant de Charlemagne et des Empereurs de Rome, comme le Pape, héritier de Saint Pierre représentant de Dieu sur terre, veut avoir la prééminence morale et politique sur l'autre et sur l'ensemble de l'Occident. Cette querelle se double également d'une lutte d'influence territoriale pour le contrôle des riches cités d'Italie du Nord, car le Pape est aussi un souverain temporel depuis le VIIIe siècle. 

 

L'Italie, qui est déjà politiquement très morcelée, se subdivise encore entre Guelfes (partisans de la papauté) et Gibelins (soutenant l'Empereur). À Rome même, les grandes familles sont aussi divisées part deux camps et la sécurité n'est pas assurée en ville...Toutefois, en ce début du XIIIe siècle, le Pape sort victorieux de son conflit larvé avec l'Empire, tandis que la France s'affirme de plus en plus comme la puissance montante en Occident. Et son roi, Philippe IV le Bel, fort de cette puissance comme l'Empereur avant lui, se met à empiéter sur les prérogatives du Pape ; un important conflit éclate alors entre le Roi de France Philippe IV le Bel (1285-1314) et le Pape Boniface VIII (1294-1303). 

En 1294: c'est l’affaire de la décime: Philippe IV lève à son unique profit un impôt habituellement destiné à financer la Croisade, prérogative du Pape. Mais le problème le plus grave est l’arrestation pour complot de l'évêque de Pamiers, Bernard Saisset, un protégé de Boniface VIII. Par la bulle pontificale (courrier religieux) Ausculta fili (Écoute mon fils) de 1302, Boniface réaffirme la supériorité du Pape sur tous les rois de la Terre, et bien sûr, sur le roi de France. Et, dans la foulée, il convoque un concile de l'Église de France à Rome pour faire casser la décision de Philippe le Bel. Il s'ensuit un bras de fer terrible, qui se termine par l'excommunication de Philippe le Bel, le 13 avril 1303, et par le fameux attentat d'Anagni du 7 septembre 1303: les troupes du français Guillaume de Nogaret investissent par la force la petite ville italienne, rentrent dans le palais pontifical, et séquestrent le Pape Boniface VIII, qui aurait même été giflé. Choqué par cette agression, Boniface décède un mois plus tard. L'éphémère Benoît XI succède à Boniface VIII, Nogaret le presse d'ouvrir le procès posthume de Boniface, mais le nouveau Pape romain décède huit mois après avoir ceint la tiare, en 1304.

Clément V, Pape de 1304 à 1314
Clément V, Pape de 1304 à 1314

C'est alors qu'un conclave s'ouvre à Pérouse, en cette année 1304. Le Sacré-Collège, composé de 16 cardinaux dont 12 italiens, doit élire à la majorité des deux tiers un nouveau Pape. C'est en effet la règle depuis 1179, et c'est généralement l'un des cardinaux siégeant au conclave qui est élu. Or, après onze mois de tractations, aucun Pape n'est encore élu. Le conclave s'accorde finalement sur le nom de Bertand de Got, français et archevêque de Bordeaux. Des émissaires sont envoyés à Bordeaux pour annoncer la nouvelle à Bertrand, pour qui c'est une véritable surprise. Le nouveau Pape prend le nom de Clément V. Ce dernier débute son pontificat par un voyage dans le centre de la France, avant de retourner à Bordeaux. Mais le 13 octobre 1307, Philippe le Bel fait emprisonner tous les Templiers du royaume, le Pape proteste vivement contre cet affront. Clément V part alors pour Poitiers rencontrer Philippe le Bel, où le roi de France lui présente des templiers prisonniers qui avouent leurs crimes. Clément V cède: il ordonne l'arrestation de tous les templiers d'Occident, ouvre une enquête et décide de convoquer un concile général à Vienne, près de Lyon, pour statuer sur le sort à réserver à l’ordre du Temple. Le Pape restera à Poitiers près d'un an, avant de rejoindre Avignon le 9 mars 1309 après un lent voyage. 

Mais pourquoi Avignon ? La petite cité n'est pas loin de Vienne. Elle ne connaît pas de troubles ou de problèmes d'insécurité. elle est entourée de remparts depuis le XIIe siècle. L'un des quatre ponts permettant de traverser le Rhône s'y trouve, et les communication vers le Royaume de France, l'Italie, l'Empire et l'Espagne sont aisées, en empruntant les anciennes voies romaines, Avignon ne fait pas partie du Royaume de France, qui commence de l'autre côté du Rhône sur la rive gauche. Avignon dépend en effet du Comté de Provence également sous l'autorité du roi de Sicile et qui porte aussi le titre de roi de Jérusalem. En tant que roi de Sicile, ce prince est un vassal direct du Pape. Enfin, depuis 1274, l'Église romaine est propriétaire du Comtat Venaissin, terres prises au comte Raymond VII de Toulouse vaincu par le Roi de France. Le comtat comprend notamment les villes de Carpentras et de Cavaillon, et recouvre l'essentiel de l'actuel département du Vaucluse. L'installation du Pape à Avignon n'est bien sûr que provisoire, dans l'attente de l'ouverture du concile. D'ailleurs, depuis de nombreux siècles, les Papes se déplacent régulièrement avec tous leurs officiers et leurs familiers, entre Rome et les autres cités des États de l'Église, où ils demeurent parfois assez longtemps.

Jacques de Molay, le dernier chef de l'ordre du temple
Jacques de Molay, le dernier chef de l'ordre du temple

Le concile de Vienne, ajourné, s'ouvre finalement le 16 octobre 1311. Il rend ses conclusions en mai 1312; l'ordre des Templiers est dissout. Cette décision permet à la fois de contenter le roi de France et d'éviter une condamnation formelle. 

Clément V regagne alors la région avignonnaise, qu'il a appréciée. Aurait-il pensé repartir pour Rome que les circonstances ne s'y prêtaient guère: la descente de l'Empereur Henri VII en Italie y provoque des troubles importants. Clément V passe alors l'hiver 1312-1313 à Avignon, et commence à tomber malade. Il loge au prieuré du Grosseau, près du Mont Ventoux, au Château de Caromb, à Bédarrides. Pendant ce temps, Avignon abrite les tribunaux apostoliques, les cardinaux, leurs suites: la petite cité ne sait plus où loger les nouveau arrivants. Alors qu'il s'apprête à partir pour un nouveau voyage vers l'Aquitaine, Clément V décède subitement à Roquemaure le 20 avril 1314. Durant son pontificat, Clément V a "créé" (c'est à dire nommé) neuf cardinaux français. Le Sacré-Collège, composé principalement d'italiens avant son avènement à la papauté, devient majoritairement français. Il paraît donc naturel que ce soit désormais parmi les cardinaux français du Sacré-Collège que soient choisis les prochains Papes, qui eux-mêmes, maintiendront une large majorité française au sein de cette assemblée. Cependant, un nouvelle fois, le Sacré-Collège, réuni en conclave à Carpentras, est divisé. Trois partis s'opposent: celui des "Gascons", composé de dix cardinaux, celui des italiens, avec sept cardinaux, et un troisième parti, comprenant des Provençaux et des Français. En juillet 1314, le parti gascon provoque une attaque du conclave par des mercenaires, pour faire plier le Sacré-Collège à ses vues. Pris de panique, les cardinaux se dispersent...et la chrétienté n'a toujours pas de Pape. 

Jean XXII, Pape de 1316 à 1334
Jean XXII, Pape de 1316 à 1334

La vacance du siège de Saint-Pierre dure depuis près de deux ans; lorsque le roi de France Louis X le Hutin arrive enfin à réunir les cardinaux à Lyon. Louis X meurt, et le régent du Royaume, Philippe, comte de Poitiers, s'impatiente: il fait cerner le conclave par l'armée, en juin 1316. Prisonnier du couvent des Dominicains, le Sacré-Collège élit le 7 août 1316 Jacques Duèse, originaire de Cahors. Âgé de 72 ans, il prend le nom de Jean XXII. Le nouveau Pape connaît très bien le Midi provençal. Il a été chancelier du roi de Sicile, puis gouverneur du diocèse de Fréjus. Et surtout, de 1310 à 1312, le futur Jean XXII a été évêque d'Avignon lorsque Clément V y résidait. Enfin, au moment de son élection, c'est son plus proche descendant, son neveu, Jacques de Via qui est évêque de la cité. Jean XXII entre à Avignon le 2 octobre 1316, et loge dans le palais épiscopal. La situation en Italie s'aggrave: les Visconti de Milan, les Scaliger de Vérone et les villes toscanes se déchirent et ont des visées sur les citées du nord des États de l'Église. À Rome même ont lieu d'importants heurts entre le parti aristocratique et le parti populaire. La décision de Jean XXII est prise: il installera définitivement la papauté à Avignon. Il fait construire autour du palais épiscopal d'importants bâtiments pour abriter différents services de sa cour. Car la cour pontificale est une véritable cité en elle-même: on y compte plus de cinq cents personnes y occupant des fonctions importantes, vingt à vingt cinq cardinaux ayant chacun entre trente et cinquante familiers...Avignon attire dans leur sillage toute une foule de marchands, de financiers, de requérants, de pèlerins...Jean XXII, Pape de transition, régna pourtant pendant 18 années. Son pontificat fut marqué par la gestion de la croisade et le débat relatif à la pauvreté de l'Église initié par l’ordre des Franciscains. 

Illustration de la cité d'Avignon
Illustration de la cité d'Avignon

Quand Jean XXII meurt le 4 décembre 1334, le Sacré-Collège des cardinaux se réunit sans difficulté dans son palais avignonnais. C'est Jacques Fournier, originaire du Comté de Foix, ancien moine cistercien qui est élu Pape. Il choisit le nom de Benoît XII. Il déclare immédiatement son intention de renter à Rome, mais ses premières initiatives destinées à pacifier l'Italie n'aboutissent à rien, tandis qu'éclate en 1337 entre la France et l'Angleterre une guerre qu'on appellera par la suite Guerre de Cent Ans. Benoît XII commence l'édification sur l'ancien palais épiscopal d'Avignon du Palais des Papes, exemple unique en Europe d'architecture civile du XIVe siècle. Cette construction matérialise vraiment l'installation définitive de la papauté à Avignon. En 1339, les archives de l'Église Romaine, jusqu'alors conservées à Assise, y sont transférées. Benoît XII décède le 25 avril 1342, et, le 7 mai, Pierre Roger est élu Pape, sous le nom de Clément VI. Né en Limousin, il a mené sa carrière ecclésiastique dans le Nord de la France, et a servi à de nombreuses reprises le roi de France. Une fois son élection connue, les Romains lui envoient plusieurs délégations pour le presser de rentrer dans la Ville-Éternelle. Mais Clément VI refuse net leurs avances. Les guerres franco-anglaises réclament sa présence, et son intervention permettra d'ailleurs de conclure de nombreuses trêves. Le couronnement de Clément VI donne lieu à une somptueuse cérémonie et à de nombreuses réjouissances qui marquent les esprits du temps. Clément VI est à l'opposé de son prédécesseur: fastueux, il accueille volontiers artistes et intellectuels et la cour pontificale d'Avignon devient l'une des plus brillantes d'Europe. 

Le 19 juin 1348, Jeanne, comtesse de Provence et reine de Sicile, vend Avignon à Clément VI pour 80 000 florins d'or. Elle a besoin d'argent pour financer la reconquête de son royaume italien. Le Pape est désormais chez lui à Avignon. Clément VI fait d'ailleurs notablement agrandir le Palais des Papes. Avignon, petite cité d’environ 6000 habitants à l'arrivée de Clément V, compte maintenant 45 000 résidents. Innocent VI succède à Clément VI en 1352. Durant son pontificat, qui dure jusqu'en 1362, la Guerre de Cent-Ans fait rage, et des bandes de routiers menacent régulièrement la ville. En 1360, le Pape doit même payer une rançon à celle menée par Arnaud de Cervole. Innocent VI décide alors de construire de nouveaux remparts englobant les quartiers neufs d'Avignon.

Bienheureux Urbain V, Pape de 1362 à 1370  est le seul des pontifes avignonnais à avoir été porté sur les autels avec le titre de bienheureux
Bienheureux Urbain V, Pape de 1362 à 1370 est le seul des pontifes avignonnais à avoir été porté sur les autels avec le titre de bienheureux

Urbain V succède à Innocent VI en 1362. L'autorité pontificale semble maintenant bien rétablie sur les États de l'Église en Italie, grâce au cardinal-légat Albornoz, tandis que les compagnies de touriers menacent toujours la basse vallée du Rhône. Pressé par Pétrarque de fuir la "captivité de Babylone" et de rentrer à Rome, poussé par le roi de France Charles V de rester à Avignon, Urbain V quitte finalement Avignon pour Rome le 30 avril 1367. Il y laisse toutefois une partie de l'administration pontificale. Le Pape s'embarque à Marseille, et s'installe à Rome le 16 octobre 1367. Mais la guerre franco-anglaise éclate de nouveau. Urbain V, soucieux de rassembler les rois et princes d'Europe dans une nouvelle croisade, rejoint Avignon le 27 septembre 1370 pour négocier la paix entre les deux ennemis. Il meurt peu après son arrivée, le 19 décembre. Urbain V est le seul des pontifes avignonnais à avoir été porté sur les autels avec le titre de bienheureux. Lui succède le Pape Grégoire XI, élu à Avignon en 1370, est le neveu de Clément VI. Il reprend à son compte la politique de son prédécesseur. Alors même que la situation recommence à se dégrader en Italie, Grégoire XI quitte définitivement Avignon pour Rome le 13 septembre 1376 à la grande satisfaction de Catherine de Sienne. Contrairement à tous ses prédécesseurs pour qui une situation de paix dans la Péninsule était une condition indispensable du retour dans la Ville-Éternelle, Grégoire XI est convaincu que seule sa présence à Rome permettra d'apaiser les conflits. Il y meurt deux ans plus tard le 27 mars 1378.

Représentation de l'antipape Benoît XIII
Représentation de l'antipape Benoît XIII

Le conclave, divisé, se réunit au Vatican. Sous la pression menaçante de la foule, qui ne veut que d'un Pape romain, les cardinaux élisent en 1378 Bartolomeo Prigagni, évêque de Bari, qui devient Urbain VI. C'est le premier Pape élu qui n'est pas français depuis 1305. Mais Urbain VI se révèle sévère et odieux, si bien que les treize cardinaux français du Sacré-Collège, jugeant son élection nulle car effectuée sous la contrainte, élisent le 20 septembre 1378 à Fondi un nouveau Pape, Robert de Genève, qui devient Clément VII. La France, la Sicile, l'Écosse et les différents royaumes d'Espagne le soutiennent, tandis que le reste de l'Europe reconnaît Urbain VI: c'est le Grand Schisme d'Occident. La chrétienté a donc deux Papes concurrents. Ce n'est certes pas la première fois que cela arrive, mais ce schisme sera le plus long de toute l'historie de l'Église. Clément VI fuit l'Italie, qui se soulève contre lui, et, le 5 juin 1379, débarque en Provence et entre à Avignon le 20 juin. Pour lui, Avignon est une résidence de repli proche de son principal partisan, le roi de France. Urbain VI, de son côté, reste à Rome, et y mourra en 1389 sombrant dans sa tyrannie et sa paranoïa.

À la mort de Clément VII le 16 septembre 1394, l'élection en 8 jours par les cardinaux d'Avignon d'un nouveau Pape, le cardinal aragonais Perdo de Luna surprend l'Europe entière. Le nouvel élu, Benoît XIII, refuse toute négociation. Devant son obstination, en juillet 1398, le Royaume de France décide de lui retirer son soutien. Benoît s’enferme alors dans Avignon, tandis que les soldats français se dirigent vers la ville en ce mois d'octobre 1398. Les français prennent d'assaut les remparts de la cité, mais le Pape tient avec deux cents hommes le Palais des Papes. Seuls cinq cardinaux fidèles à sa cause sont restés avec lui. Le siège du Palais des Papes commence. L'obstination de Benoît XIII et sa lutte impassible face à des soldats armés lui gagne peu à peu de nouveaux partisans, dont le comte de Provence Louis II d'Anjou. Le siège durera sept mois, jusqu'à la fuite de Benoît XIII dans la nuit du 11 au 12 mars 1403. Déguisé, il quitte le Palais des Papes par une porte trop grossièrement murée. Benoît XIII part pour la Provence, puis rejoint l'Aragon. Déposé une première fois au Concile de Pise en 1409, Benoît XIII est définitivement déposé par le Concile de Constance en 1415. L'élection à l'unanimité du Pape Martin V en 1417 met fin au schisme. Benoît XIII meurt en 1422 en Catalogne, abandonné de tous: le dernier Pape avignonnais à vécu.


Alexandre VI laisse dans la chrétienté un grave malaise qui s'amplifiera avec les années.
Alexandre VI laisse dans la chrétienté un grave malaise qui s'amplifiera avec les années.

Au XVe siècle, les Papes, bousculés par la guerre de Cent Ans et ses conséquences, délaissent leurs charges spirituelles au profit d'affaires temporelles dans le but de gouverner. L'Église traverse ainsi en son sein une crise intérieure favorisée par la guerre de Cent Ans (1337-1453). Troubles et désordres amènent les chrétiens à aspirer à un renouveau, à une reforme. La crise économique, l'augmentation des taxes et la baisse démographique poussent certains établissements religieux et certaines paroisses à s'unir pour subvenir à leurs besoins. Le niveau intellectuels des populations européennes reste bas et lorsqu'un Pape crée une université nouvelle, c'est bien survenue à la demande des princes qui veulent asseoir leur notoriété. Ces universités, vu le désordre économique, souffrent d'un manque d'argent et les étudiants doivent payer leurs études. Dans les église, ce siècle voit répandre l'usage de construire des crèche pour fêter Noël.  

 

Sur le plan politique, l'Europe fait face un à bain de sang, la France et l'Angleterre sont toujours en guerre, l'Italie agonise dans des luttes entre grandes familles. En Allemagne les princes allemands se disputent le pouvoir tandis que la Pologne rassure l'Occident en restant une frontière face aux Turcs. La péninsule ibérique elle est divisée avec une Castille en conflit avec le Portugal. Les souverains cherchent une unité nationale en chassant les non-catholiques. La Tchécoslovaquie, et plus précisément la Bohème, se révolte contre les Allemands présents. Jan Hus (1368-1415) de Prague, un universitaire, diffuse des idées proches de celles de John Wyclif (1331-1384). Ce dernier était un Anglais qui émettait l'idée que l'Église pouvait se passer du Pape. Hus de Prague critique les abus de l’Église et crée le mouvement des hussites. La France, quant à elle, semble suivre le même chemin en imposant l'autonomie de son Église vis-à-vis de la papauté. En 1438,  le roi Charles VII convoque une assemblée du clergé qui examine les décrets du concile de Bâle. Ceux-ci n'ont d'autres buts que de réduire les prérogatives papales. Bien évidemment, le Saint-Siège refuse de reconnaître les décrets de Bourges, rassemblés sous le nom de"Pragmatique sanction". Cette dissidence montre la désunion de l'Église sur laquelle les Papes de ce siècle n'ont plus aucune autorité, ne pensant bien souvent qu'à leur intérêt propre (plus particulièrement les Papes Borgia, Calixte III (1455-1458) et son neveu Alexandre VI (1492-1503) sont d'avantages souverains que pontifes). Le Pape n'a plus qu'une autorité limitée sur les églises nationales dont les clercs et les universitaires sont les premiers à défendre les causes, dénonçant la centralisation d'une administration lourde qui ne profite qu'à quelques-uns. En France cette tendance autonomiste prend le nom de gallicanisme. Dans d'autres pays, elle existe aussi, mais ne prend pas de nom. Cet état de fait soucie peu les pontifes qui s'intéressent davantage au règlement des affaires temporelles au détriment de leurs charges spirituelles. Il est à noter que c'est sous ce siècle que l'Église condamne l'esclavagisme par le biais de l'encyclique du Pape Eugène IV (1431-1447) "Sicut Dudum" qui condamne cette pratique par l'excommunication. Néanmoins certains de ses successeurs tels Calixte III et Alexandre VI ne l'entendirent pas cette oreille.


Le Pape Léon X (1513-1521) dû lutter contre les mouvements de réformes.
Le Pape Léon X (1513-1521) dû lutter contre les mouvements de réformes.

Au XVIe siècle, l'Église va payer les maladresses, les abus et les scandales des Papes du siècle précédent. L'arrivée de la Réforme (1517) par Martin Luther marque la naissance du protestantisme d'où naîtrons des centaines et des centaines de mouvements chrétiens qui en soit, ne le sont plus vraiment. Dans les années 1500 les mouvements de réforme se multiplient. Les instances ecclésiastiques et politiques réagissent. D'une façon générale, l'apaisement des conflits européens et le retour à l'ordre entraient, en ce XVIe siècle, une reprise de vie économique et une hausse de la démographie. La campane nourrit les villes de plus en plus peuplées obtenant en échange quelques places d'ouvriers ou de journaliers. Cependant malgré l'effort des campagnes, la famine sévit à chaque décennie: 1521, 1531, 1545, 1556, et la peste continue ses ravages. En 1525, Rome et Naples ont perdu neuf dixièmes de leur population, pestiférées. Ces famines peuvent surprendre lorsque l'on connaît l'essor du capitalisme, qui apparaît alors sous son aspect commercial. La concurrence se développe, les corps de métiers dépendent de plus en plus des uns des autres. 

 

Les grandes découvertes, grâce à des gens comme Christophe Colomb, assurent un deuxième élan à cette économie en formation. Partout le crédit se développe, malgré les interdits religieux: "prêtez sans rien attendre en retour" (ref Luc, 6, 35). Pourtant l'usure ne disparaît pas car être riche est signe de réussite individuelle en dépit des condamnations des Papes, notamment celles de Saint Pie V (1566-1572) et Sixte V (1585-1590). Sur le plan politique, l'on constate l'avènement de souverains d'un envergue peu commune. En Angleterre, c'est Henri VIII (1509-1552) qui joue un rôle majeur dans la réforme de l'Église anglaise en se proclamant chef de l'Église du royaume. Les catholiques sont persécutés et meurent en martyr s'ils ne se convertissent pas à la nouvelle religion. En Allemagne, Charles Quint, en plus de lutter contre le roi de France François Ier, doit se battre contre le luthéranisme naissant et essaie en vain d'empêcher la sécularisation des biens ecclésiastiques, et la paix d'Augsbourg (1555) consacre aux princes la liberté religieuse. En France, François Ier (1515-1547)  n'a aucune envie de se livrer à des persécutions religieuse. Il soutient le mouvement de la Renaissance française, fonde l'imprimerie nationale du Collège de France et devient le protecteur de Léonard de Vinci. Après sa mort, ses successeurs, Henri II, puis François II, Charles IX et Henri III, essaient de maintenir un équilibre entre catholiques et protestants Cependant, le royaume est divisé entre la faction catholique d'Henri de Guise et la faction protestante de Henri de Navarre. Des luttes internes pour le pouvoir conduisent au massacre de la saint Barthélémy, le 24 août 1572. Quand Henri IV de Navarre (1589-1610) succède à Henri III, il abjure le protestantisme et se fait sacrer, en 1594 espérant ainsi rétablir la paix. De l'autre côté des Alpes, l'Italie et ses merveilles attirent les pèlerins. Les Papes mécènes ont fait de Rome une ville splendide, attirants les plus grands artistes de tout le continent. 


Pie VI (1775-1799) premier Pape mort en exil et en martyr depuis le VIIIe siècle.
Pie VI (1775-1799) premier Pape mort en exil et en martyr depuis le VIIIe siècle.

Les Papes n'ont pas l'envergure pour lutter contre les courants de pensée qui déferlent sur l'Europe. Les souverains exigent la direction du temporel et du spirituel. Ce XVIIIe siècle est marqué par un mouvement dit "des Lumières", teinté de Franc-Maçonnerie, mouvement qui prend racine en France et s'étend rapidement en Europe, ce siècle devient l'époque des libertins. Les prises de positions politiques, sociales, religieuses, morales ou économiques envahissent tous les genres littéraires. On écrit beaucoup, on discute encore plus dans les salons. L'Église en cette période est malmenée, insultée et bafouée. Ce n'est que le début d'une longue période qui marqua à jamais l'histoire de l'Europe et ce, encore de nos jours. Les Papes ont beaucoup de soucis à ce siècle, notamment face à l'émergence du courant de pensée de la franc-maçonnerie. La première loge maçonnique voit le jour à Londres en 1717. Les francs-maçons, qui ont une foi déiste en un être suprême, le grand architecte des Lumières, revendiquent leur droit à la libre-pensée. Ils ont, de prime abord, un esprit de tolérance et d'ouverture. Mais ce mensonge cache une toute autre réalité: la franc-maçonnerie se veut être l'ennemie de l'Église, luttant autant qu'elle le peu, en influençant quiconque s'en approche. Les faits avérés prouve une pratique ésotérique et occulte, relevant davantage du satanisme que de la bien-pensance. Beaucoup de penseurs et de savants sont influencés par les idées de la franc-maçonnerie. Dernière préoccupation: les monarques de ce siècle revendiquent une autonomie religieuse du type existant en France, c'est-à-dire gallican. Les Papes n'ont pas l'envergure pour lutter. La puissance des souverains et cette volonté les conduisent à ordonner la suppression de la Compagnie de Jésus. Joseph Ier du Portugal est le premier à expulser ces jésuites dont l'influence omniprésente est menaçante pour la royauté. Au sujet des affaires ecclésiastiques, on voit se développer les fêtes religieuses. La vie quotidienne est rythmée sur le calendrier religieux. Et en ces temps où l'Église est rejetée, cette dernière ne se contente plus de lieux clos pour ces fêtes, elles s'empare, dans les villes qu'elle occupe, de l'espace civil pour de grandes processions.  

 

En France, la situation budgétaire est dramatique et les ministres, Turgot, Necker ou Calonne, ne peuvent pas l'assainir. La masse paysanne (huit dixièmes de la population) est miséreuse et sur elles pèsent beaucoup de charges. L'essor démographique est important, malgré les crises agricoles et le chômage. En 1789 c'est l'effondrement de la France, la chute du roi Louis XVI, mis à l'écart non par le peuple, mais bien par les viles ambitions des bourgeois de la nation. La Révolution française, dont les conséquences rejaillissent sur ses voisins, en donnant tous les droits et privilèges à une bourgeoisie mercantiliste et individualiste. En février 1795, c'est la séparation de l'Église et de l'État et la liberté de tous les cultes. Puis, en 1798, c'est l'occupation de Rome par les forces de Napoléon Bonaparte, alors consul de la République. Le Pape Pie VI est emprisonné par ce denier,  et le fera mourir en martyr un an plus tard après un long calvaire.


Le bienheureux Pie IX, eut le plus long pontificat de l'histoire après Saint-Pierre, soit 31 ans.
Le bienheureux Pie IX, eut le plus long pontificat de l'histoire après Saint-Pierre, soit 31 ans.

Au XIXe siècle, quatre des six Papes sont antilibéraux et ils se débattent au sein d'un monde en mutation. Tout au long du XIXe siècle se développe un courant de pensée favorable à l'autorité du Pape: le mouvement ultra-montain. Il s'oppose aux excès du au joséphisme, au fébronianisme, au gallicanisme (systèmes prônant l'indépendance des Églises face à l'autorité du Pape), telle la Constitution civile du clergé (1790). Le but premier est de restaurer l'ordre moral qui définit, selon les catholiques, l'ordre social. Le second but et de lutter contre les pressions politiques. En 1817 sort le livre de Joseph de Maistre, "Du Pape" das lequel l'auteur prône infaillibilité du Pape comme clé de voûte du rétablissement de l'ordre en Europe. Cet écrivain notre cependant des idéologies d'actualité. L'Église est toujours en lutte contre la science. En réaction à la Révolution française, aux excès de Napoléon qui voulait faire "évoluer" les pays qu'il traversait en les anéantissant, les religieux rejettent toutes les idées modernes. C'est la "guerre" Église-Science. Rome devient antilibérale, antiscientifique et antimoderniste. Politiquement, l'Europe est dans la tourmente. L’Autriche retrouve une partie de ses territoires au Congrès de Vienne (1814), qui d'ailleurs, restaure le Pape dans son pouvoir temporel en tant que souverain des États-Pontificaux. L'Allemagne se réorganise, entre 1815 et 1848, en une confédération germanique de trente-neufs États. Le Royaume-Uni, berceau de la révolution industrielle et sociale dès 1810, voit les "progrès" du machinisme, mais aussi des soulèvements ouvriers contre celui-ci. Et puis c'est l'ère de la reine Victoria (1837-1901), et du libéralisme. L'Italie divisée ne le sera plus pour longtemps car 1861 marque la naissance du royaume d'Italie, qui en 1870, annexe les États-Pontificaux déclarant Rome comme capitale. Le Pape est de nouveau privé de son pouvoir temporel, qu'il ne retrouvera qu'en 1929, par les Accords du Latran et la création de l'État de la Cité du Vatican. En France, après les guerres napoléoniennes et les abdications des empereurs, en 1815 , Louis XVIII prend la relève et fonde une monarchie constitutionnelle. Puis c'est Charles X et Louis-Philippe, qui abdiquent. Enfin la IIe République, et Napoléon III, qui veut supprimer le pouvoir temporel des Papes et qui mène une nouvelle guerre avec la Prusse (1870). Des présidents de la IIe et de la IIIe République suivront: Thiers, Mac Mahon, Grévy, Carnot, Carsimir-Périer, Faure, Loubet.

 

En 1892, le Pape Léon XIII (1878-1903) recommande le ralliement des catholiques à la République. Beaucoup de remous et d'indiscipline donc, et l'ordre social sort de la bouche de chaque souverain. Car en ce siècle, une révolution bien moins facile à mater que les révolutions civiles explose dans tous les pays: la révolution industrielle et sociale. Et ce changement radical du paysage social conduit, dans la deuxième moitié du siècle à la diffusion d'idées nouvelles, issues du marxisme, comme l'athéisme. L'Église ne peut pas rester indifférente à ces thèses, Pie IX (1846-1878) dans son encyclique Qui Pluribus et Léon XIII avec Humanus Genus, condammnent le communisme au nom du droit naturel de la doctrine sociale de l'Église. Pour continuer à répandre le message du Christ, l'Église compte sur des hommes et des femmes qui se rendent au-devant des populations. Les prêtres sont les premières personnes sur lesquelles le Pape peut compter. En outre, l'on assiste à un regain de vocation et les choix se portent sur les ordres non contemplatifs. Entre 1800 et 1850, plus de cent congrégations naissent.  


Pie XII, Pape de 1939 à 1958, dû affronter le satanisme fasciste et nazi.
Pie XII, Pape de 1939 à 1958, dû affronter le satanisme fasciste et nazi.

Au XXe siècle, les guerre mondiales et le modernisme modifient l'image de l'Église et du Pape à travers le monde. L'Europe s'embrase dans deux guerres mondiales, le fascisme, le nazisme et le bolchévisme y sévissent, les autres continents s'éveillent, les révolutions sociales et les nouvelles découvertes scientifiques sont multiples: telles sont les grands lignes des bouleversements en ce XXe siècle. La papauté s'ouvre au monde contemporain qui cherche le dialogue avec les peuples et les autres religions. La première partie du siècle est apocalyptique, les progrès techniques ayant accru les risques de destruction. Les Papes Saint Pie X (1903-1914), Benoît XV (1914-1922), Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958) durant ces périodes chaudes ont tentés de concilier les peuples et d'appeler à l'apaisement. Attitude admirable mais insuffisamment prise en compte par les puissants. Saint Pie X et Benoît XV firent leur possible pour empêcher, en vain, la Première Guerre Mondiale. Pie XI condamna le fascisme et le nazisme notamment dans l'encylique "Mit brennender sorge" (1937) (littéralement: "Avec une brûlante inquiétude") co-écrite avec le cardinal Eugenio Pacellli, le futur Pape Pie XII. Ce dernier s'illustra contre le nazisme en ayant garde de prendre ouvertement position, dans le but de protéger l'Église et les catholiques de lourdes persécutions. C'est d'ailleurs sous son pontificat que le grand rabbin de Rome, Israël Zolli, fit le choix de se convertir au catholicisme, après la guerre, en prenant le nom chrétien de Eugenio Pio. Il parlait du Pape en ces termes: "Pacelli (Pie XII) et mon père étaient des figures tragiques dans un monde où toute référence morale avait disparu. Le gouffre du mal s'était ouvert, mais personne ne le croyait, et les grands de ce monde - Roosevelt, Staline, de Gaulle - étaient silencieux. Pie XII avait compris que Hitler n'honorerait de pactes avec personne, que sa folie pouvait se diriger dans la direction des catholiques allemands ou du bombardement de Rome, et il agit en connaissance de cause. Le Pape était comme quelqu’un contraint à agir seul parmi les fous d'un hôpital psychiatrique. Il a fait ce qu'il pouvait. Il faut comprendre son silence dans le cadre d'un tel contexte, non comme une lâcheté, mais comme un acte de prudence."  

 

Depuis le début du siècle, un sujet taraude l'Église: l'enseignement. Elle veut toujours que l'enseignement religieux soit obligatoire pour tous les enfants. Elle n'admet pas que l'enseignement général lui ait été arraché. Mais si le Vatican se soucie de l’enseignement des enfants, elle se soucie tout autant de ses prêtres. Ceux-ci se voient confrontés au quotidien, à des problèmes qui se multiplient avec l'avancée des découvertes scientifiques. Autre sujet de trouble: les rapports avec le judaïsme. En effet, les rapports des chrétiens qui forment l'Église et les juifs vont s’envenimer. Beaucoup de chrétiens ont pratiqués l'anti-judaïsme. Haine entretenue par l'ignorance. Les propagandistes, en ce siècle, se servent des médias pour afficher leur mépris. Mais jusqu'en 1950, les juifs pouvaient difficilement se défendre par la voie de presse, le quotidien LaCroix se proclame le journal le plus antijuif de France. Le royaliste l'Action française poursuit le même combat. Mais la deuxième partie du siècle marque le renouveau pour l'Église, Jean XXIII renoue avec le dialogue des populations et les nations et positionne l'Église par le Concile Vatican II, "mettant à jour" l'Église dans le monde contemporain. Paul VI voyage et diffuse un message de paix et d’œcuménisme qui séduit. Jean-Paul II parcourt la Terre entière, proclamant l'Évangile. Mais la paix a difficulté à s'ancrer dans plus de la moitié des pays du monde. L'affreuse nouveauté de ce siècle, ce sera la guerre à travers des attentas qui viseront les bâtiments-symbole des pays, et qui seront meurtrier pour les civils. Les guerriers n'ont plus de terrains, de bataille ou de règles. Ce ne sont plus des guerres déclarées par le chef d'État de tel pays contre un autre. Non. Ces guerres existent encore mais la menace de ces fantômes prêts à mourir et à tuer pour imposer une religion est une "nouveauté" effrayante. L'Islam intégriste, le Hezbollah, les Tigres Tamouls et bien bien plus tard Daesh, deviennent des armes humaines par leurs pensées et par leurs actes, contre lesquels le monde entier doit lutter.  

Saint Jean-Paul II (1978-2005) fut le Pape le Pape de la jeunesse et de la famille, il  est d'ailleurs l'initiateur des Journées Mondiales de la Jeunesse.
Saint Jean-Paul II (1978-2005) fut le Pape le Pape de la jeunesse et de la famille, il est d'ailleurs l'initiateur des Journées Mondiales de la Jeunesse.

La religion est désormais un phénomène d'ordre privé. C'est une démarche personnelle que chacun prend en son âme et conscience. Mais partout dans le monde, des minorités sont persécutées, notamment au sein même de l'Europe. Il ne fait pas bon de dévoiler ses croyances dans certains pays. En Europe, les prêtres sont de moins en moins nombreux et sont parfois contraints de déléguer certaines de leurs fonctions à des laïcs (comme le catéchisme). L'Église s'ouvre, par la force des choses, ouverture commencée dès les années 1930, avec la fondation de mouvements d'action catholique: Jeunesse ouvrière, agricole ou étudiante. 

 

Le 7 février 1992 est signé le traité de Maastricht qui scelle l’entente entre douze pays européens. Ils forment ce que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de l'Union-Européenne.  Cette dernière entend être laïque. Le gouvernement français n'acceptera pas, neuf ans plus tard, de signer le texte de la Charte des droits fondamentaux si son préambule fait référence à "l'héritage religieux" de l'Europe. L’introduction du mot religion pose des problèmes à la fois philosophique, politique et constitutionnels à la France, se faisant ainsi parjure de son histoire et de sa culture. Au final, l'Europe ne sera qu'une construction laïque, Jean-Paul II fera la déclaration suivante, en 2002: "La marginalisation des religions, qui ont contribué et qui contribuent encore à la culture et au réel humanisme dont l'Europe prétend être légitimement fière, me paraît être à la fois une injustice et une erreur de perspective. Reconnaître un fait historique indéniable ne signifie pas du tout méconnaître l'exigence moderne d'une juste laïcité des États, et donc de l'Europe !"Les encycliques et les messages radiodiffusés papaux sont souvent destinés aux familles qui occupent une place prépondérante dans la pensée de l'Église. La famille est valorisée, les parents soumis à reconnaître leurs responsabilités, face à des enfants nés et à naître. Les jeunes adolescents et les jeunes adultes sont appelés à se rassembler, et ils répondent en masse à cette Église qui se veut à l'écoute de leurs problèmes. Le premier grand rassemblements de jeune gens à lieu en 1966 à Taizé (France), en la communauté du frère Roger Schutz. D'autres rassemblements suivront, notamment lors des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Les Papes apprennent à inviter au dialogue, à s'occuper des affaires temporelles avec diplomatie et à vivre avec les évolutions scientifiques, technologiques et médiatiques.


Benoît XVI (2005-2013), aujourd'hui Pape émérite.
Benoît XVI (2005-2013), aujourd'hui Pape émérite.

Au XXIe siècle, les chrétiens comptent sur le Pape pour les aider et les guider. L'Europe n'est plus qu'une partie du monde. La politique, l'économie, la sociologie, les intérêts, les marchés, les découvertes scientifiques sont mondiaux et mondialisés. Presque tout est partagé, excepté les valeurs morales et les biens. L'Europe adopte une monnaie unique, dès 1999: l'euro. Les Européens pourront échanger cette monnaie dès 2002. L'Europe se voulait être une grande famille, mais cette utopie se heurtera aux réalités du monde. De nos jours, les peuples ne s'entre-tuent plus sur les champs de bataille. Si, dans un pays, tel le Soudan, les guerriers du Nord tuent les peuples du Sud, ce n'est pas seulement pour convertir des insoumis, mais pour l’argent, pour l'or noir. Le pétrole provoque des querelles fratricides et sa rareté pousse l'humain à oublier toute morale. Génocides et attentats sont organisés et les peuples ont oublié les massacres commis par les Khmers Rouges, par Lénine, Staline, Hitler ou les Turcs au siècle précédent, la mémoire ne conserve que ce qui n'est pas dérangeant. En ce début du XXIe siècle, la papauté est durablement marquée par le long pontificat du Pape Jean-Paul II. Benoît XVI lui, sera une figure moins médiatique et plus contestée, à tort. Ce grand théologien n'aura de cesse de raffermir le peuple de Dieu dans le droit chemin de l'Évangile, à la suite du Christ. Malheureusement, tout est bon en ces temps pour décrédibiliser l'Église et son porte-parole. Le Pape Benoît XVI étonna le monde entier en renonçant à ses fonctions (une première depuis 598 ans). Aujourd'hui, l'Église doit relever de nombreux défis, face à ce monde moderne où la religion et Dieu n'ont plus leur place. Le Pape François doit faire face aux difficultés du monde, mais aussi à celles qui envahissent l'Église, particulièrement la pédophilie, les désertions des églises, la crise des vocations, l'athéisme grandissant aux quatre coins du monde. Rappelant ces paroles du Christ: "Restez donc vigilants, puisque vous ignorez à quel moment viendra votre Seigneur" (ref Matthieu 24, 42), l'Église continue son avancée missionnaire en réveillant le monde.

 

François, actuel souverain pontife
François, actuel souverain pontife

Des Papes qui ont marqué l'histoire


Saint Pierre, apôtre du Christ
30-67

(dates supposées)

L'Église catholique considère Pierre comme le premier Pape, une fonction qui n'était toutefois pas réellement définie à la naissance du christianisme. 

La Bible nous parle de Pierre: c'est un pêcheur, il vit à Capharnaüm, un petit village de Galilée au nord du lac de Tibériade. Un jour alors qu'il lance ses filets à l'eau avec son frère André, Jésus les apostrophe: "Venez avec moi, je vous ferai pêcheurs d'hommes" (Matthieu, IV - 19). Les deux frères répondent à l'appel et deviennent les premiers des 12 apostolos (apôtre, "envoyé" en grec). Après le miracle de la multiplication des pains, Jésus interroge ses disciples: "Et vous, qui dites-vous que je suis ?" (Matthieu XVI - 15-18). Simon est le premier à reconnaître en Jésus le messie (traduit par "christos" en grec). Jésus lui répond: "Et moi, je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux: et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les Cieux." Pour les chrétiens, voilà définie la mission de Simon. Il devient Pierre et portera la parole et les enseignements du Christ. Pourtant décrit comme un disciple fidèle et enthousiaste dans les Évangiles, Pierre s'y révèle aussi hésitant. Ainsi, malgré ses dénégations et conformément aux prédictions de Jésus, il le renie trois fois la nuit de son arrestation par les Romains (Marc XIV - 30). Mais Jésus le rassure et le confirme dans sa mission: "J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi quand tu seras converti, affermis tes frères" (Luc XXII - 32). Un rôle que Pierre investit après la Mort de Jésus. 

 

Témoin de la résurrection du Christ, oint par l'Esprit-Saint lors de la Pentecôte (Actes des Apôtres II, 1-13), il commence à prêcher le message de Jésus à Jérusalem. Là se forme la première communauté d'une centaine de Juifs. Elle rassemble les 12 apôtres (Matthias a remplacé Judas), la famille de Jésus, ainsi que d'autres disciples et convertis. Peu à peu, d'autres groupes se créent le long de la côte syro-phénicienne. Certains apôtres, dont Pierre, voyagent pour légitimer ceux que l'on commence à appeler les christiani. À Césarée, en Judée, Pierre convertit le premier païen (c'est-à-dire "non-Juif"), le centurion Corneille (Acte X, 1-48). Les historiens s'accordent plus ou moins pour dire que Pierre se rend ensuite à Rome, entre 43 et 49. À cette époque, environ 50 000 Juifs vivent dans la capitale romaine. Parmi eux, quelques christiani. Après l’arrivée de Pierre, le nombre de convertis augmente. Ils se retrouvent le lendemain du sabbat et appellent ce jour "le jour du Seigneur". Mettant en commun nourriture et boisson, ces fidèles rompent le pain et se font passer la coupe de vin. Ces adeptes du Christ irritent les Romains. En 64, l'empereur Néron les accuse du terrible incendie qui a ravagé Rome. Comme nombre d'autres chrétiens, Pierre est martyrisé. Il meurt, crucifié la tête en bas (en signe d'humilité vis-à-vis du Christ), dans le cirque romain du Vatican. Son corps est confié à son disciple Linus (le futur Pape Lin). Il le fait ensevelir sous la colline du Vatican. Au IVe siècle, l'empereur Constantin fera bâtir la première basilique Saint-Pierre autour de ce tombeau.


Saint Fabien, le Pape évangélisateur
236-250

 

Fabien est le 20e Pape. Son pontificat dure quatorze ans. Il réorganise l'Église et lance l'évangélisation des Gaules, avant de mourir en martyr.

Histoire singulière que celle du choix de Fabien, en 236. Le 3 janvier, le Pape Anthère meurt après seulement six semaines de pontificat. Quelques jours plus tard, les fidèles se rassemblent à Rome pour lui trouver un successeur. Fabien, un simple laïc, se trouve parmi la foule lorsqu'une colombe blanche se pose sur sa tête, comme celle descendue sur Jésus lors de son baptême dans le Jourdain (Marc I . 10-11). Les chrétiens présents alors y voient le signe de l'Esprit-Saint. Ils proclament: "Il est digne, il est digne !", Fabien est donc ordonné Pape le 10 janvier. Dès les premières années de son pontificat, il réorganise l'Église de Rome et divise la ville en sept districts. Chacun d'eux est confié à un diacre (du grec diakonos, "serviteur").

 

Fabien entreprend d'évangéliser les Gaules (romaine et celtique) et y envoie sept missionnaires. Chacun d'eux se voit assigner une grande ville dont il sera l'évêque. Paul part à Narbonne, Trophisme à Arles, Saturnin à Toulouse, Martial à Limoges, Denis à Paris, Gatien à Tours et Austremoine à Clermont. C'est à partir de cette époque que le christianisme ne se limite plus à l'Église de Lyon et ses alentours, mais pénètre les grandes villes du Midi et du Centre. Mais l'arrivée de la Bonne Parole ne se fait pas sans problèmes. L'administration romaine martyrise certains de ces missionnaires. Après avoir été torturé, Denis, devenu le premier évêque de Paris, est décapité. À Toulouse Saturnin est attaché à un taureau furieux jusqu'à ce que mort s'ensuive. Rome elle aussi n'échappe pas à la persécution. Dèce, empereur romain (249-261) impose le retour à la religion ancestrale et au culte impérial. Chacun doit alors porter sur lui un certificat individuel de sacrifice "libellum" accompli devant des représentants du pouvoir. Les chrétiens qui ne se plient pas à ce rituel sont brûlés. Nombre d'entre eux, parfois des prêtres et des évêques, apostasient (renoncent à leur foi). Fabien résiste et meurt en martyr, le 20 janvier 250, la tête tranchée. Dans ce climat de persécutions, il est difficile de trouver un successeur à Fabien et il faudra 16 mois pour nommer un nouveau Pape, Corneille. Mais l'organisation ecclésiastique mise en place par Fabien permet d'assurer la transition.

 


Saint Léon Ier, le Pacificateur
440-461

 

Les chrétiens jouissent de la liberté de culte depuis plus d'un siècle (édit de Milan en 313) lorsque Léon Ier accède au Saint-Siège. Considéré comme le premier grand Pape, il assoit la place de l'Église de Rome. Lorsque Sixte III meurt, Léon, son plus proche conseiller, est en Gaule, en mission pour l'empereur Valentinien III. Il est cependant élu Pape et sera ordonné à son retour à Rome, le 29 septembre 440.

 

Depuis le IVe siècle, la puissance de Rome décline. L'empereur romain Constantin Ier a choisi de faire de Constantinople la nouvelle capitale de l'Empire (330). Bâtie sur un site naturel défensif, elle est moins vulnérable que Rome, en butte aux attaques des Germains, puis des Huns. Ces derniers franchissent la frontière italienne en 452. L'empereur Valentinien III envoie à leur chef, "Attila le Fléau de Dieu", une ambassade chargée de négocier la paix. Elle se compose d'un préfet, d'un consul et du Pape Léon Ier. Leur rencontre à lieu à Mantoue, une ville du nord de l'Italie. Après négociations, le chef des Huns accepte d'épargner Rome contre le versement d'un tribu et quitte l'Italie. C'est la première fois qu'un Pape joue un rôle politique décisif.  En 455, Léon Ier réendosse ce rôle de pacificateur et s'avance à la rencontre du roi des Vandales, Genséric. Cette fois, Rome est pillée, mais grâce à l'intervention du Pape, la vie des habitants est épargnée.

 

Léon Ier est aussi un fervent défenseur de l'intégrité de la foi. Ce Pape combat l'hérésie qui se répand en Orient depuis le début du Ve siècle. Il s'oppose ainsi à Eutychès, chef d'un monastère proche de Constantinople. Ce moine nie la nature humaine du Christ, absorbée, selon lui par sa nature divine. Les partisans de cette thèse, appelée monophysisme, obtiennent de l'empereur d'Orient Théodose II la convocation d'un concile à Ephèse en 449. "Le Christ a pris l'état de serviteur sans la souillure du péché relevant l'humanité sans diminuer la divinité...Pierre confessa qu'il était également périlleux de croire Jésus-Christ notre Seigneur, ou simplement Dieu sans humanité, ou simplement homme sans divinité", répond Léon Ier (Tome à Flavien). Il lui faudra trois ans et 71 lettres pour lui faire valoir son point de vue. En 451, plus de 350 évêques se réunissent à Chalcédone et se rallient à la position théologique de Léon Ier. Lors de ce concile, la primauté de Rome est réaffirmée devant celle de Constantinople. Léon Ier apparaît comme le seul défenseur de la vraie foi et de l'unité de l’Église.


Saint Grégoire Ier, le Grand
590-604

 

Le destin de Grégoire Ier est singulier. Fils d'un influent sénateur romain, ce moine est élu Pape contre son gré. Puis, considéré comme l'un des plus grands Pape, il devient Grégoire dit "le Grand".

 

 

Novembre 598. Rome est inondée. Les greniers à blé sont détruits. En quelques mois la famine, suivie de la peste, ravage la ville. Le Pape Pélage II (579-590) succombe à l'épidémie. Le peuple et les ecclésiastiques romains élisent Grégoire. Héritier d'une noble famille romaine, cet ancien préfet de Rome a été diacre, avant de se retirer durant 15 ans dans un monastère. Il refuse la charge pontificale "ayant abandonné pour toujours les soucis du monde" écrit-il. Le moine fait appel à l'empereur romain d'Orient, Maurice Ier, pour invalider l'élection, en vain. Grégoire est consacré Pape le 3 septembre 590.

 

Compétence, popularité, il avait tout pour devenir évêque de Rome. Le peuple avait besoin de quelqu'un qui ait une expérience concrète de la gestion de la ville de Rome, qui sache l’administrer et prendre des décisions au quotidien pour soulager la population. Grégoire Ier prend en main le système d'approvisionnement de la ville et met à contribution le patrimoine de l'Église. Il fait venir du blé provenant des terres pontificales siciliennes et organise sa distribution. Le Pape cherche aussi à redonner du courage au peuple, en organisant des prières solennelles et des processions. Mais à peine la famine et la peste jugulées que Rome est menacée par les envahisseurs lombards, un peuple germanique venu de la Baltique. Les troupes de l'empereur, déjà prises avec les Perses et les Avars (originaire de Mongolie), ne peuvent plus assurer la sécurité de Rome. En 595, Grégoire négocie directement un armistice avec Agilulf, le roi des Lombards. Cette initiative lui vaut le blâme de l'empereur mais renforce le pouvoir du Pape. À cette époque, l'évêque de Rome est un médiateur, un diplomate. Face à l'effondrement de l'Empire Romain, les évêques ne s'occupent plus uniquement de questions religieuses mais prennent aussi des décisions politiques, pour aider et protéger le peuple.

 

L'année suivante, en 596, le Pape envoie Augustin, son ancien prieur, pour évangéliser les Anglo-Saxons. Cette christianisation a été préparée de longue date. Grégoire avait fait acheter en Gaule des esclaves anglais, pour les faire élever dans des monastères. Désormais bénédictins, ces 40 moines accompagnent Augustin dans sa mission, maîtrisant la langue et les mœurs du pays. Selon les souhaits du Pape, la conversion de l'Angleterre se fait avec prudence. Dès 597, le roi Ethelbert se fait baptiser ainsi que 10 000 de ses sujets. Quant à Augustin, il devient le premier évêque des Anglais, sous le nom d'Augustin de Cantorbéry. Un succès qui fera dire dix siècles plus tard à l'historien britannique Edward Gibbon: "César avait eu besoin de 40 légions pour conquérir la Grande-Bretagne, Grégoire a réussi avec 40 moines."

 


Étienne II, le Pape monarque
752-757

 

Au début du Moyen-Âge, l'Église de Rome est menacée. Issu d'une riche famille romaine, Étienne II noue des liens avec de puissants protecteurs.

 

Vers 730, une partie des anciennes provinces romaines d'Orient sont sous domination musulmane. Les Lombards sont aux portes de Rome. Face à ces menaces, plusieurs Papes cherchent protection auprès des Francs, alors le peuple le plus puissant d'Occident. Grégoire III (731-741) échoue avec Charles Martel. Son successeur, Zacharie (741-752), se tourne également vers les Francs. En 751, il cautionne la prise de pouvoir du fils de Martel, Pépin le Bref. Celui-ci se proclame roi, fondant la dynastie carolingienne. L'année suivante, Étienne II est élu. Mais la menace lombarde se fait plus pressante. Le nouveau Pape tente de négocier avec Aistulf, le roi lombard. Sans succès. Étienne II franchit les Alpes et sollicite à son tour le secours de Pépin le Bref. Ils se rencontrent dans le palais du roi, à Ponthion, dans la Marne, le 6 janvier 754. Le Pape se présenter au roi en tunique de pénitent, la tête couverte de cendres, images vivante des malheurs de l'Église. Il obtient la promesse de Pépin d'intervenir contre Aistulf. Et celle, non des moindres, de lui remettre (à lui et non à l'empereur romain d'Orient) les terres qu'il reprendrait aux Lombards. C'est la Donation de Pépin. En échange, Étienne II renouvelle en personne le sacre de Pépin, déjà consacré en 751 par Boniface, un envoyé du Pape Zacharie. La cérémonie a lieu le 28 juillet 754, en la basilique Saint-Denis. Pépin profite de la présence d'Étienne II pour faire sacrer ses deux fils, Carloman et Charles, le futur Charlemagne. Ainsi, il légitime sa dynastie. 

 

Conformément à son engagement, Pépin le Bref raccompagne Étienne II en Italie et force Aistulf à demander la paix. Mais en 756, Aistulf rompt ce pacte et fait le siège de Rome. Pépin obtient toutefois la capitulation du roi des Lombards. Comme promis, le roi Franc donne au Pape les territoires conquis par droit de guerre: le duché de Rome et les région autour de Pérouse et Ravenne. C'est la naissance des États-Pontificaux, le Pape devient un monarque. Constantin V, empereur de Constantinople, proteste: ces territoires appartiennent à l'Empire. 


Saint Grégoire VII, le Réformateur
1073-1085

 

Issu d'une modeste famille toscane, Hildebrand gravit les échelons ecclésiastiques jusqu'à la fonction pontificale en devenant Grégoire VII. Il est le principal artisan de la réforme grégorienne, l'une des plus marquantes.

 

Envoyé très jeune dans un monastère romain, Hildebrand y a pour maître Jean-Gratien, le futur Pape Grégoire VI (1045-1046). Celui-ci professe des idées de réforme du clergé, adoptées par le jeune moine. Devenu son secrétaire, il suit le Pape, déposé par l'empereur Henri III d'Allemagne pour indignité, lors de son exil en Allemagne. Rappelé par Léon IX (1049-1054), Hildebrand sert également les Papes Étienne IX (1057-1058), Nicolas II (1058-1061) et Alexandre II (1061-1073) avant d'être lui-même élu au Saint-Siège, le 22 avril 1073. Parfois qualifié d'ambitieux ou de dictateur, Grégoire VII était plutôt un homme de conviction, aux capacités politiques avérées, qui avait le désir de mettre ses forces et ses idées au service de la fonction papale. Sitôt élu, Grégoire VII souhaite purifier les mœurs ecclésiastiques. Il reprend la lutte de Léon IX contre le nicolaïsme, c'est-à-dire le mariage ou le concubinage des prêtres. Le Pape s'attaque également à la simonie, l'achat ou la vente de fonctions ecclésiastiques. Il juge cette pratique extrêmement choquante car elle mélange argent et sacré et permet aux laïcs d'avoir du pouvoir sur le clergé par l'attribution de ces charges. Mais comme ses prédécesseurs réformateurs, Grégoire VII s'aperçoit qu'il doit accroître le pouvoir papal pour imposer ces réformes. En 1059, Nicolas II avait déjà restreint le pouvoir de l'empereur en décrétant que seuls des cardinaux, réunis en Sacré-Collège, avaient désormais le droit d'élire le Pape. Grégoire VII va plus loin. Dans une liste de 27 proposions, les Dictatus Papae, il attribue au "Pape le droit de déposer les empereurs et celui de nommer, déposer ou gracier les évêques".

 

Se sentant menacé, l'empereur Henri IV prend les devants et dépose Grégoire VII en janvier 1076. L'empereur est soutenu par des évêques mécontents de la politique de lutte contre la simonie. Mais le décret impérial fait long feu, le Pape reste à son poste. À l'inverse de son père, Henri III qui avait déposé trois Papes fort d'une puissante armée à Rome, Henri IV exerce sa volonté de loin. Un mois plus tard, Grégoire VII riposte en excommuniant Henri IV et les membres du clergé qui lui restent fidèles. Aucun sacrement, aucun enterrement, aucune célébration liturgique ne peut plus être célébré dans leurs diocèses. Grégoire VII a compris qu'il n'y avait pas de place en Occident pour deux pouvoirs suprêmes parallèles: le Pape et l'empereur. Il a donc voulu forcer l'empereur à obéir au Pape. En apparence, la manœuvre semble réussir: le Pape a des partisans réformateurs au sein du clergé germanique, certains sont même des évêques proches de l’empereur. En janvier 1077, affaibli, Henri IV se rend en pénitent à Canossa, nu-pieds, dans la résidence de la princesse Mathilde de Toscane. Il sollicite alors le pardon de Grégoire VII. Le Pape ne peut pas le refuser à un chrétien qui se repent. Mais c'est un marché de dupes ! En lui pardonnant, Grégoire VII légitimait à nouveau le pouvoir d'Henri IV et coupait l'herbe sous le pied à la rébellion contre l'empereur. Mais il n'avait pas le choix. Comment refuser le pardon lorsqu'on est Pape ? Sa couronne ainsi sauvée, Henri IV envahit l'Italie en 1080 et fait élire un Pape en la personne de l'archevêque de Ravenne, Clément III. Grégoire VII se réfugie au château Saint-Ange de Rome, puis abandonné par les cardinaux, s'enfuit à Salerne où il meurt en 1085. On lui prête ces dernières paroles: "J'ai aimé la justice et j'ai haï l'iniquité, c'est pourquoi je meurs en exil." Toutefois, l'oeuvre de Grégoire VII sera poursuivie par ses successeurs, en particulier par son conseiller Odon, devenu le Pape Urbain II (1088-1099).

 


Bienheureux Urbain II, le Libérateur
1088-1099

 

Odon de Châtillon succède en 1088 au Pape Victor III (1086-1087) et devient Urbain II. Il est béatifié et élevé au rang de bienheureux, huit siècles après sa mort, par Léon XIII (1878-1903).

 

Nous sommes en 1078, les Turcs seldjoukides envahissent Jérusalem, massacrant la population et interdisant l'accès au Saint-Sépulcre, auprès duquel les chrétiens prient depuis plus de sept siècles. En plus de cela, ils s'établissent à Nicée et y fondent un royaume . L'empereur Romain d'Orient, Alexis Ier, ne cesse de quémander l'aide des Papes. Ces derniers envoyèrent à plusieurs reprises des émissaires tentant de trouver une résolution. Rien de probant. Le 27 novembre 1095, pendant le concile de Clermont, le Pape Urbain II appelle les nations chrétiennes à prendre la route vers la Terre-Sainte.

 

Le Pape leur demande de livrer bataille pour rendre aux chrétiens le tombeau du Christ, situé à Jérusalem. "(...) Si vous vous sentez retenus par le cher amour de vos enfants, de vos parents, de vos femmes, remettez-vous en mémoire ce que dit le Seigneur dans son Évangile: Qui aime son père et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi", déclare le Pape. Ce discours marque le début de la première croisade. L’enthousiasme est immense et les candidats au départ nombreux. Pour les chrétiens du Moyen-Âge, Jérusalem est la Ville-Sainte et le centre géographique du monde. Des paysans pauvres et mal armés prennent la route en 1096. Certains sont dirigés par le religieux Pierre l'Ermite. Mais cette expédition populaire, mal organisée, échoue. Les croisés sont tués par les musulmans en Syrie. Une expédition de chevaliers, essentiellement français, part à son tour. Parmi eux, l'un des croisés les pus connus est Godefroi de Bouillon (1061-1100), duc de Basse-Lorraine. Il existe plusieurs routes pour rejoindre la Terre-Sainte: par la Méditerranée, par les Alpes et l'Italie ou encore par le Danube et l'Europe de l'Est. C'est par ce dernier itinéraire qu'il passera. Il faut plusieurs mois pour atteindre Jérusalem. Finalement, les chevaliers croisés s'emparent de la Terre-Saint en juillet 1099, lors d'une bataille particulièrement féroce. Le Pape Urbain II meurt 9 jours après la réussite de la croisade, le 29 juillet 1099 à Rome.


Innocent III, le Pape régnant
1198-1216

 

Innocent III est l'un des Papes les plus influents du Moyen-Âge. Neveu de Clément III (1187-1191), il est issu de la noblesse et d'une famille ayant déjà fourni plusieurs Papes à l'Église.

 

En 18 ans de pontificat, Innocent III renforce l'influence de l'Église sur l'Europe à un niveau jamais atteint. Il use de sa grande autorité pour se faire obéir. Il veut imposer l'indépendance, mais aussi la suprématie du Saint-Siège sur le souverains: "De même que la Lune reçoit sa lumière du Soleil, de même la dignité royale n'est qu'un reflet de la dignité pontificale" affirme-t-il. Innocent III est un grand Pape car il est à la fois un homme de culture et d'étude et un homme d'action et de pouvoir. Il n'hésitait pas à recourir à l'excommunication quand on ne lui obéissait pas. En 1200, le roi de France, Philippe-Auguste est excommunié pour avoir répudié sa femme, Ingeburge de Danemark, et l'avoir remplacée par Agnès de Meran. Tous les sujets du Royaume de France sont même privés des sacrements de l'Église. Philippe-Auguste est contraint de faire marche arrière en 1213. L'empereur d'Allemagne Othon IV de Bunswick, et Jean sans Terre, roi d'Angleterre sont également exclus un temps de la communion des fidèles.

 

Au moment où Innocent III lance le IVe concile du Latran, l'Église chrétienne n'a jamais été aussi prestigieuse. 800 abbés et 412 évêques se réunissent au palais du Latran, à Rome, du 11 au 30 novembre 1215. Ils approuvent plus de 70 décrets concernant la foi, la réforme de l'Église et l'hérésie. Le concile développe aussi la prédication et ouvre des universités. Depuis ce concile, les fidèles ont l'obligation de se confesser et de communier au moins une fois par an. Cette disposition permet de distinguer le pratiquant de l'hérétique. Car Innocent III combat hardiment l'hérésie, qu'il considère comme un crime de lèse-majesté. Il encourage en 1208 des expéditions militaires contre les Cathares. Ces disciples d'une religion dualiste (coexistence du bien et du mal) sont jugés par l'Église comme trop nombreux et trop organisés. Mais ces premières attaques ne réussissent pas à briser la résistance cathare.

 

Enfin, Innocent III est connu dans l'Histoire pour avoir soutenu les ordres mendiants. En 1210, il encourage la fondation par François d'Assise de l’ordre des "frères mineurs". Ces franciscains prêchent l'Évangile et mendient dans les villes. Ces nouveaux frères se démarquent des bénédictins car ils ne sont pas enfermés dans un monastère. Ils sont nomades et donc plus en accord avec la société de marchands de l'époque.

 


Saint Célestin V, le Pontife malgré lui
1294

 

C'est l'un des pontificats les plus courts de l'histoire papale. Célestin V, ancien ermite qui ne voulait pas être Pape, renonce à ses fonctions cinq mois après son accession au trône de Saint-Pierre. Il est canonisé quelques années plus tard, à la demande du roi de France, Philippe le Bel.

 

Lorsque le concile, réuni à Pérouse, désigne en 1294 un nouveau souverain pontife, cela fait plus de deux ans que le siège du Pape est vacant. La lutte des partis trouve enfin un consensus avec l'élection de Pietro Angeleri (dit aussi Pietro del Morrone). Il faut ensuite se mettre en quête de le trouver, pour lui annoncer son élection. Car ce moine bénédictin, presque octogénaire, vit depuis des années en ermite dans les Abruzzes, au centre de l'Italie. Il y a trouvé refuge après avoir quitté ses adeptes, les Célestins, et le monastère dédié au Saint-Esprit qu'il a fondé près de Sulmona. Retrouvé, il faut alors le convaincre de devenir Pape et de quitter sa vie solitaire pour redescendre exercer son pontificat. 

 

Devenu Pape, Célestin V entretient de bons rapports avec les Spirituels, mouvement franciscain prônant la pauvreté. Ces derniers, particulièrement influents au XIIIe siècle, demandaient en effet que soit nommé un homme de Dieu, et non un politique. Par sa vie d'ermite, Célestin V correspond à ce profil. Généreux, il ne refuse rien à personne et distribue les biens de la papauté. Peu éduqué, Célestin V connaît mal le latin et les règles de l'administration pontificale. Charles II d'Anjou, roi de Sicile avait suggéré son nom lors du conclave. Il profite alors de l'ignorance politique du Pape pour faire nommer des douzaine de nouveaux cardinaux, presque tous français. L'ancien ermite aime se retirer régulièrement pour prier. À cette fin, mais aussi pour le dissuader de séjourner à Rome, Charles II lui aménage une grotte dans l'une des caves de son palais, à Naples. 

 

Se sentant dépassé par une charge trop lourde, et désireux de retrouver sa vie monacale, Célestin V se confie à l'un de ses conseillers, le cardinal Benedetto Caetani. Celui-ci convoite sa place. Il l'encourage à renoncer à la charge pontificale cinq mois après son élection. Devenu Pape, l’ancien conseiller assigne son prédécesseur à résidence, l'empêchant de retourner dans sa grotte: Célestin V meurt et sera canonisé en 1313 par le Pape Clément V (1305-1314).

 


Léon X, le Mécène
1513-1521

 

Issu de la puissante famille des Médécis de Florence, le Pape Léon X cultive durant les huit ans de son pontificat son amour pour l'art et le luxe.

 

Jean de Médicis est fait cardinal à 13 ans par Innocent VIII (1484-1492). Passionné de lettres et d'art et fils de Laurent le Magnifique, homme politique et diplomate italien, il voyage à travers l'Europe avant de revenir s'installer à Rome où il collectionne les antiquités. Jean de Médicis devient le Pape Léon X en 1513. Selon les historiens la pureté de ses mœurs, la douceur de son caractère et la puissance de sa famille ont favorisé son élection. En 1516, Léon X signe avec François Ier le concordat de Bologne. Le roi de France, victorieux à Marignan l'année précédente, règle ainsi les rapports entre l'Église et l'État, mettant fin à la pragmatique sanction de Bourges, promulguée en 1438 par Charles VII. Ce texte confiait l'élection des évêques aux chanoines de chaque cathédrale et affirmait la supériorité des évêques, réunis en concile, sur le souverain pontife. Avec le nouveau traité, le roi François Ier obtient le droit de nommer les évêques. Au Pape, le pouvoir de donner l'investiture spirituelle. 

 

Le nom de Léon X est également associé à deux de ses illustres contemporains: fervent amateur d'art, il devient en effet mécène de nombreux artistes dont Michel-Ange et Raphaël. Ce dernier décore notamment l'appartement pontifical. Une légende dit même que le Pape a versé les seules larmes de sa vie à la mort du peintre. Léon X aime autant l'art que les fastes de la cour: on compte autour de lui 683 serviteurs ! Le grand train de vie mené par le Pape, organisant représentations théâtrales et parties de chasse, laisse les traces dans les caisses du Vatican. Il conduit aussi le souverain pontife à avoir recours aux indulgences, c'est-à-dire la remise partielle ou totales des peines pour les péchés, en échange d'aumônes réservées à l'achèvement de la basilique Saint-Pierre. Cette pratique, mise en place en 1515, donne lieu en 1517 à un conflit religieux: la querelle des indulgences. Martin Luther, moine augustin allemand très préoccupé par l'idée du Salut, s'élève contre la vente des indulgences dans ses 95 thèses. Celles-ci, souvent, sont considérées par les historiens comme le point de départ de la Réforme, ce mouvement donnera naissance en Europe aux Églises protestantes. Luther estime également que l'Église n'a pas besoin de chef sur Terre, puisque le Christ est à sa tête. Interprétation bien humaine en totale contradiction avec l'enseignement biblique reçu du Christ. Le Pape lui demande de se rétracter en publiant la bulle Exsurge Domine. Luther la brûle. Il est excommunié. Le Pape meurt en 1521.

 


Paul III, l'Avisé
1534-1549

 

C'est à l'initiative de Paul III que se tient le concile de Trente, l'un des plus célèbres de l'histoire de l'Église. En pleine Renaissance, il prend aussi position en faveur de l'égalité de tous les être humains devant Dieu.

 

Issu d'une riche famille et élevé à la cour de Laurent de Médicis à Florence, Alessandro Farnese devient Paul III en 1534. Comme d'autres Papes avant lui, il favorise sa famille en nommant cardinaux trois de ses neveux. Le futur Pape à lui-même bénéficié de ce type de largesses. Quelques années avant son accès au Saint-Siège, sa sœur Giulia Farnese, usant de ses charmes auprès du Pape Alexandre VI (1492-1503) lui a permis d'obtenir des évêchés et le titre de cardinal. C'est pourtant Paul III qui, dès son accession au Saint-Siège, entend réformer l'Église et ses institutions. Le point d'orgue est l'ouverture du concile de Trente, en Italie, en 1545. Celui-ci, destiné à abolir les abus et les injustices dans le fonctionnement de l'Église, se tient en plusieurs sessions étalées sur 18 ans. Il en ressort une révision de la discipline (les clercs sont désormais formés dans des séminaires et contrôles par les évêques), ainsi qu'une réaffirmation solennelle des principes de la foi. C'est une réponse à la Réforme protestante initiée par Martin Luther. 

 

Le Pape prend aussi des décisions courageuses. Il défend l'idée des droits et de l'égalité de tous les être humains devant Dieu. En 1537 il réitère, de manière plus formelle, l'action de son lointain prédécesseur, Eugène IV (1431-1447) qui, en 1435, rédigea l'encyclique Sicut Dudum, prononçant la condamnation de l'Église face à l'esclavagisme. "Les Indiens sont de véritables hommes, ne pouvant être privés de liberté" déclare le souverain pontife aux missionnaires d'Amérique latine. Il ajoute que les trafiquants d'esclaves doivent être excommuniés. On doit enfin à ce Pape plusieurs oeuvre entrées dans l'Histoire. En mécène et protecteur des arts, le Pape confie la poursuite des travaux de la basilique Saint-Pierre à Michel-Ange. Il commande notamment au peintre les fresques du Jugement dernier dans la chapelle Sixtine et la Crucifixion de Saint-Pierre dans la chapelle Pauline du Vatican.


Pie VII, le Victorieux
1800-1823

 

Pie VII est élu au lendemain de la tourmente révolutionnaire venue de France et de la mort en exil et en martyr de Pie VI. Son pontificat est fortement lié à la gouvernance de Napoléon Bonaparte.

 

Le conclave qui commence en 1799 se tient à Venise (alors territoire autrichien). Rome, fait face aux agitations obscures des partisans de la Révolution. La ville n'est plus un endroit sécurisé. Après une assemblée de plus de trois mois, Gregorio Luigi Barnaba Chiaramonti, moine bénédictin devenu cardinal-évêque d'Imola, est élu le 14 mars 1800 à l'âge de 57 ans. Le nouveau Pape prend le nom de Pie VII pour signifier la continuité avec son prédécesseur, et décide de regagner Rome.

 

L'année suivante, le Pape signe un concordat avec Napoléon Bonaparte, alors premier consul de la République. Cette nouvelle convention vise à redéfinir les relations entre le Saint-Siège et la France. En ratifiant ce traité, le Pape s'engage dans une réconciliation entre l'Église et la France révolutionnaire. Leurs rapports étaient plus que tendus depuis le décret de la séparation de l'Église et de l'État de 1795 et le martyr de Pie VI perpétré sur les ordres de la République. Pie VII reconnaît la République et renonce aux bien confisqués au clergé sous les violentes persécutions de la Révolution. En contrepartie, la République française affirme le catholicisme comme la religion de la "majorité des citoyens". Mais en 1802, le premier consul Bonaparte promulgue 77 articles organiques, qui tendent à faire de l'Église de France une Église nationale, peu dépendante de Rome. Il y est notamment mentionné que le Pape doit respecter les pratiques nationales, et ne dispose d'aucune infaillibilité. En 1804, le futur empereur exige encore que Pie VII se déplace pour son couronnement. Après plusieurs mois de négociations, le Pape se rend à Paris...Mais le 2 décembre, le jours du sacre, Napoléon fait un nouvel affront à Pie VII: il se pose lui-même la couronne impériale sur la tête.

 

Les relations se détériorent un peu plus lorsque le Pape refuse d'adhérer au blocus continental. Celui-ci est imposé par Napoléon entre 1806 et 1808 pour priver la Grande-Bretagne de relations commerciales sur le contient. Pour le souverain pontife, sa charge de pasteur universel lui impose la neutralité dans ce conflit. Napoléon répond en occupant militairement Rome et en annexant les États-Pontificaux en mai 1809. Pie VII excommunie l'empereur le 10 juin. Il se fait enlever par le général français Étienne Radet dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809. Mis en résidence surveillée à Savone en Italie, il est ensuite transféré à Fontainebleau en 1812. Là, le Pape résiste à Napoléon qui tente de lui arracher des concessions sur l'indépendance spirituelle de la papauté. À la chute de l'empereur en 1814, Pie VII retourne triomphant à Rome où il retrouve la souveraineté des États-Pontificaux.

 


Léon XIII, le Sage
1878-1903

 

Lorsqu'il est élu Pape, Gioacchino Pecci a près de 68 ans et une santé fragile. Il apparaît comme un Pape de transition. Pourtant il dirigera l'Église pendant 25 ans avec pour but de concilier la doctrine catholique et le monde de la fin du XIXe siècle.

 

Léon XIII est le premier Pape du XXe siècle témoin de l'industrialisation de l'Europe et de la naissance du capitalisme. Il essaie de comprendre les changements profonds de la société moderne, et cela bien avant son élection en tant que souverain pontife. Nonce apostolique (ambassadeur du Saint-Siège) en Belgique de 1843 à 1845, il en profite pour voyager en Europe, alors en pleine croissance économique. Gioacchino Pecci y découvre le monde ouvrier. En 1875 alors évêque de Pérouse, il fonde les "Jardins de saint Philippe de Néri". Ce club propose des rencontres culturelles à destination de la population ouvrière. Mais c'est surtout son encyclique Rerum Novarum "À propos des réalités nouvelles", publiées le 15 mai 1891, que son action en faveur d'une égalité sociale prend de l'envergure: il est désormais surnommé "Pape des ouvriers". Léon XIII y défend un salaire juste, des conditions de travail dignes, la légitimé des syndicats, mais aussi la propriété privée et les devoirs des travailleurs. Les patrons et les ouvriers "ont un impérieux besoin les uns des autres: il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. (...) Ce qui ni est honteux et inhumain, c'est d'user des hommes comme de vils instruments de lucre et de ne les estimer qu'en proportion de la vigueur de leur bras", écrit le Pape dans son encyclique. Léon XIII eut le mérite de faire entendre la voix de l'Église sur des questions considérées jusqu'alors comme extérieures à la foi.

 

Ainsi, face aux profonds changements économiques et sociaux de l'époque, Léon XIII tente de "mettre à jour" le discours de l'Église, 70 ans avant la tenue du concile Vatican II. Léon XIII sentait qu'il ne suffisait pas à l'Église de nier la société civile pour continuer de s'affirmer. Le Pape se montre également très ouvert et se démarque de son prédécesseur Pie IX dans le domaine intellectuel. Il encourage l'étude de l'astronomie et des sciences naturelles au Vatican. Il demande aux historiens catholiques de travailler avec objectivité et appelle à une critique historique des textes sacrés. Pour le Pape Léon XIII, l'Église n'a rien à craindre d'une confrontation avec l'Histoire et il rétorque que Dieu "n'a pas besoin de nos mensonges". Enfin, il ouvre une partie des archives du Vatican aux intellectuels sans distinction de religion. À la fin de sa vie, les positions de Léon XIII se durcissent. Dans l’encyclique Graves de communi (1901), il refuse de reconnaître l'expression "démocratie chrétienne". Il meurt en 1903 du haut de ses 93 ans, fatigué par 25 de pontificat.


Benoît XV, le Diplomate
1914-1922

 

La Première Guerre mondiale vient d'éclater lorsque le Pape Pie X (1903-1914) meurt. Benoît XV est élu après trois jours de conclave. C'est peu pour l'époque. Il est choisi pour son expérience diplomatique et sa position modérée.

 

Face à la Première Guerre mondiale, Benoît XV choisit la neutralité. Il demande aux évêque la même attitude: ne pas s'exprimer sur l'évolution de la guerre mais uniquement sur des questions religieuses. Il justifie cette "parfaite impartialité envers tous les belligérants, comme il se doit à un Père commun qui éprouve le même amour pour tous ses enfants" écrit-il en 1917. Cette neutralité n'empêche pas Benoît XV de dénoncer l'inhumanité de la guerre: "Faut-il s'étonner si, munies d'engins épouvantables dus aux derniers progrès de l'art militaire, des Nations visent pour ainsi dire à s'entre-détruire avec des raffinements de barbarie ? Plus de limites aux ruines et au carnage: chaque jour la terre, inondée par de nouveaux ruisseaux de sang, se couvre de morts et de blessés", écrit le Pape, le 1er novembre 1914 dans sa première encyclique Ad Beatissimi. Le Saint-Siège vient directement en aide à la population. Un service d'assistance pontificale est ouvert en décembre 1914 pour secourir les blessés. Il tente aussi de remettre en contact les prisonniers de guerre et leur famille.

 

Benoît XV persuade les États belligérants d'autoriser dès 1915 l'échange de prisonniers invalides. Dans ce cadre, plus de 30 000 soldats de différentes nationalités sont hospitalisés en Suisse. Parmi les autres actions de Benoît XV en faveur des populations: l'obtention du repos des prisonniers le dimanche, la distribution de rations alimentaires aux enfants des pays en guerre et l'aide aux paysans russes victimes, en 1921 de la famine. Le 1er août 1917, Benoît XV envoie aux deux camps un plan en sept points. Ses propositions n'ont aucun impact sur les belligérants. Ils ne comprennent pas sa neutralité. Pour le chef du gouvernement français Georges Clemenceau, Benoît XV est le "Pape boche". À l'inverse il est le "Pape des français" du général allemand Ludendorff. Au-delà de son action contre la Grande Guerre, Benoît XV tente durant son pontificat de rapprocher les Églises catholique et d'Orient. Il fonde en 1917 la Sacrée Congrégation pour l'Église orientale et l'Institut Pontifical des études orientales. En 1920, les Turcs lui érigent une statue à Istanbul. Une inscription en dessous résume l'image qu'ils en gardent: "Le grand Pape de la tragédie mondiale, le bienfaiteur des peuples sans distinctions de nationalité ou de religion".

 


Pie XI, le Révolté
1922-1939

 

Pie XI est titulaire d'un triple doctorat en philosophie, droit canonique et théologie. Lors du conclave de 1922 Achille Ratti ne part cependant pas favori. Il n'est choisi qu'au bout du 14e scrutin pour succéder à Benoît XV (1914-1922).

 

Pie XI a beaucoup changé entre le début et de son pontificat en 1922 et la fin de celui-ci en 1939. Sa première encyclique, Ubi arcano Dei constilio, va dans le sens de la lutte que l'Église mène contre la démocratie et le monde moderne. Il a un discours conservateur. La situation intérieure italienne va le faire petit à petit changer d'avis. Ainsi au début de son pontificat, Pie XI négocie 18 concordats avec tous types de régimes (démocratique ou autoritaires), afin de préserver les intérêts de l'Église et de protéger les catholiques. Il obtient la reconnaissance de l'indépendance de l'État de la Cité du Vatican grâce aux accords du Latran signés à Rome avec Mussolini en 1929. Le Pape retrouve son autorité de chef d'État, perdue depuis l'annexion des États-Pontificaux en 1870 par le Royaume d'Italie. Le 20 juillet 1933 il signe un concordat avec l'Allemagne nazie. Hitler voit là un moyen de gagner l'électorat catholique. Mais ces États totalitaires sont anti-chrétiens et les relations deviennent de plus en plus tendues.

 

Le 29 juin 1931, Pie XI publie l'encyclique Non abbiamo bisogno "Nous n'avons pas besoin", contre le fascisme italien. Le 14 mars 1937, il dénonce le nazisme d'Hitler dans l'encyclique en allemand Mit Brennender Sorge "Avec une brûlante inquiétude". Cinq jours plus tard, il s'oppose au communisme, dans l'encyclique Divini Redemptoris, "le Divin rédempteur,", qu'il qualifie "d'intrinsèquement pervers". Le Pape s'élève régulièrement et publiquement contre les régimes totalitaires. En mai 1938, il s'absente du Vatican pour éviter une visite d'Hitler et parle alors de "l'air malsain de Rome". La même année il déclare à un groupe de pèlerins belges: "Nous chrétiens, sommes spirituellement des Sémites." À côté de ces condamnations franches, le Saint-Siège reste silencieux au moment des lois raciales de 1935 en Allemagne. Le souci de Pie XI, puis de son successeur, est d'éviter d'exposer les catholiques des pays totalitaires par des oppositions trop fermes. Le Pape mourra en février 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

 


Saint Jean XXIII, le Bon
1958-1963

 

Jean XXIII a été Pape moins de 5 ans. Il est pourtant l'un des souverains pontifes incontournables, associé au dernier concile œcuménique. Après Vatican II, l'Église s'est davantage ouverte à son époque. Il est béatifié en 2000 par le Pape Jean-Paul II, puis canonisé par le Pape François le 27 avril 2014.

 

L'élection à la tête de l'Église, le 28 octobre 1958, de l'Italien Angelo Giuseppe Roncalli est une surprise. On ne le pense pas assez solide pour une telle fonction. Lui-même au début de son pontificat, se décrivait comme "un homme capable de peu". "J'écris très lentement. Paresseux de nature, je me laisse facilement distraire dans mon travail." Pourtant, il est à l'origine d'un des événements majeurs de l'Église et du siècle dernier. Le 11 octobre 1962, il ouvre un deuxième concile œcuménique au Vatican, 92 ans après le Vatican I. Il l'appelle l'aggiornamento ("mise à jour") de l'Église, c'est-à-dire son ouverture au monde moderne. Jean XXIII donne le ton des travaux : "Notre devoir n'est pas seulement de garder ce précieux trésor comme si nous n'avions souci que du passé, mais nous devons nous consacrer résolument et sans crainte, à l'oeuvre que réclame notre époque", déclare-t-il. Environ 2 400 évêques "pères conciliaires" (cardinaux, patriarches, archevêques, évêques, supérieurs religieux...) de 136 pays se réunissent pour 4 sessions, de 3 à 4 mois chacune.

 

Jean XXIII ne verra pas la fin du concile, en décembre 1965. Il meurt le 3 juin 1963 avant le début de la deuxième session de travail. Son successeur, Paul VI, poursuit les débats. Seize textes majeurs sont publiés: 4 constitutions, 9 décrets et 3 déclarations. Le changement le plus souvent retenu est la pratique de la messe en langue vernaculaire (c'est-à-dire dans la langue du pays). Cette évolution, destinée à réduire la distance entre le clergé et les fidèles apparaît dans le première constitution Sacrosanctum Concilium, adoptée en 1963. La déclaration Nostra Aetate sur les relations de l'Église avec les religions non chrétiennes est aussi fondatrice. Comme la déclaration Dignitatis Humanae sur la liberté religieuse. Le concile y affirme que nul homme ne doit être empêché ou contraint de pratiquer une religion. C'est in acquis majeur qui permet aujourd'hui à l'Église, dans ses rapports avec l'Islam, d'appeler à la réciprocité.

 


Saint Paul VI, le Voyageur

1963-1978

 

Moins connu que son prédécesseur Jean XXIII ou que Jean-Paul II, Paul VI est pourtant le premier Pape à se rendre sur les cinq continents et à prononcer un discours devant les Nations unies (ONU). Il sera béatifié puis canonisé par le Pape François.

 

Giovanni Battista Montini a une vingtaine d'années au moment de la Première Guerre mondiale. Il devient prélat engage contre l'Italie fasciste. Il vit la Seconde Guerre mondiale depuis les sphères du pouvoir du Vatican puisqu'il est un proche collaborateur du Pape Pie XII (1939-1958). Il devient le Pape Paul VI en pleine guerre froide. Il n'a connu que la guerre. C'est pour cela qu'il prononce un message de paix en 1965 à l'ONU. "L'Humanité devra mettre fin à la guerre ou c'est la guerre qui mettra fin à l'humanité (...). Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre !" scande alors le Pape à New York. Toujours dans l'idée de prêcher la paix, il effectue plusieurs voyages. C'est le premier Pape depuis 150 ans à s'aventurer hors de l'Italie. En 1964, il se rend quelques jours en Terre-Sainte. Il y rencontre le patriarche orthodoxe Athénagoras. Les deux Église se réconcilient après avoir levé les excommunications de 1054 dans une déclaration commune. Paul VI est aussi le premier Pape à se rendre en Amérique latine (Colombie en 1968) et en Afrique (en 1969). Fin 1970, il voyage en Asie et en Océanie. 

 

Au Vatican et lors de ses voyages, il favorise le dialogue avec les autres religions, les non-croyants et également les communistes. Le Vatican reçoit plusieurs chefs d'État de l'Est. Le dialogue est difficile: cette "Ostpolitik" (politique de rapprochement vers l'Est) essuie des échecs. Le Pape s'implique dans certains conflits. Le 23 décembre 1967, il demande au président américain Johnson l'arrêt des bombardements au Vietnam. Il intervient aussi lors de la guerre du Biafra à la fin des années 1960. En 1967, au moment de la décolonisation en Afrique, Paul VI rédige l'encyclique Populorum Progressio, pour marquer le soutient de l'Église à ce mouvement.


Saint Jean-Paul II, le Grand

1978-2005

 

Premier Pape non-italien depuis 455 ans (Arien VI 1522-1523, était hollandais), Jean-Paul II, Pape pendant 27 ans, eut le plus long pontificat après ceux de Saint-Pierre (34 ou ans 36 ans) et Pie IX (32 ans). Le Pape de la fin du XXe siècle à été béatifié par Benoît XVI en mai 2011 puis canonisé par le Pape François en 2014.

 

 

Pour Jean-Paul II, la fonction de Pape n'est pas une fonction administrative, mais une mission pastorale. Ce Pape souhaite rencontrer les hommes, les laisser venir à lui et aller vers eux. Les chiffres sont éloquents pour cet habitué des bains de foule. En 27 ans de pontificat, Jean-Paul II accueille plus de 17 millions de pèlerins en visite à Rome. Il s’entretient avec de nombreux chefs d'État à l’occasion de 738 audiences et 38 visites officielles. En 1985, il donne une place aux jeunes, en créant les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), grand rassemblement de catholiques venus du monde entier. Et surtout, le dernier Pape du XXe siècle accompli 404 voyages apostoliques hors d'Italie.

 

Pour sa première sortie du Vatican, en 1979, Jean-Paul II choisit de se rendre à Auschwitz. En mars 2000, son pèlerinage en Terre-Sainte sera aussi l'un des moments forts de son pontificat. L'objectif est d'établir solidement la parole entre les trois religions abrahamiques, le judaïsme, le christianisme et l'islam. "Je suis venu à Yad Vashem pour rendre hommage aux millions de Juifs qui, privés de tout, en particulier de leur dignité humaine, furent tués au cours de l'Holocauste", déclare le souverain pontife au Mémorial de la Shoah, à Jérusalem. Il prie devant le Mur des lamentations et se rend également à Bethléem. Encourageant sans cesse le dialogue entre les religions, le Pape organise en 1986 la première rencontre inter-religieuse mondiale, à Assise en Italie. Plus de 194 chefs religieux "prient ensemble" chacun de son côté, dans leur intimité. Jean-Paul II visite la grande synagogue de Rome en 1986 et mosquée des Omeyyades de Damas, en Syrie, en 2001. Inlassable promoteur de la paix, le souverain pontife se rend à trois reprises à l'ONU (1979, 1994 et 1995). Il s'élève contre les guerre en cours (Golfe, Balkans, Afghanistan, Irak...) qu'il compare à des "aventures sans retour".

 

Jean-Paul II se rend dans son pays natal, la Pologne, dès le début de son pontificat. Il a connu le nazisme, puis le communisme et le combat de manière plus directe que ses prédécesseurs. Son soutien non dissimulé aux opposants au régime en place et l'élan populaire à chacune de ses trois visites (1979, 1983, 1987) ont contribué à la chute du communisme en Pologne, en 1989. "Le communisme est , en un certain sens, tombé de lui-même", écrit-il humblement dans son livre Entrez dans l’Espérance. La fin de son pontificat est marqué par la maladie de Parkinson. De plus en plus affaibli, il poursuit néanmoins sa mission. À sa mort, le 2 avril 2005, plus de 3 millions de fidèles se rejoignent à Rome pour saluer son courage.

 


Benoît XVI, l'Émérite

2005-2013

 

 

Depuis sa renonciation le 28 février 2013, le Pape Benoît XVI est appelé "Pape émérite". Son souhait est de consacrer la fin de sa vie à la prière, en se retirant au monastère Mater Ecclesiae situé au Vatican où il réside depuis 5 ans.

 

"Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le Ministère Pétrinien". Par ces mots prononcés en latin, Benoît XVI annonce sa "renonciation", ce 11 février de l'année 2013, en surprenant l'humanité toute entière. À bientôt 86 ans, le Pape abandonne son ministère le 28 février à 20h. La veille, il fait ses adieux à quelques 150 000 pèlerins lors de sa dernière audience publique du mercredi. "J'ai franchi ce pas dans la pleine conscience de sa gravité et de sa nouveauté, mais aussi dans une grande sérénité d'âme", déclare-t-il, place Saint-Pierre. Aucun Pape de l'époque moderne n'avait pris une telle décision. Il faut remonter à plus de 600 ans en arrière, au moment de la renonciation du Pape Grégoire XII, en 1415.

 

Le Pape avait déjà évoqué cette possibilité de renoncer, aux fonctions papales, offerte par le droit canonique. Il en parle dans son livre Lumière du monde. En 2009, après le tremblement de terre à Aquila en Italie, il s'était recueilli sur le tombeau de Saint Célestin V, qui avait lui aussi renoncé. Il avait par ailleurs été très marqué par les dernières années de souffrance de Jean-Paul II, dont-il était très proche, et par son incapacité à gouverner. Pour Benoît XVI, il valait mieux se retirer avant. Ceux qui ont eu l'occasion de le rencontrer soulignent bien souvent "un homme d'une très grande douceur et attentionné envers ses interlocuteurs" (d'après l'historien Jean-Luc Pouthier). Jean-Paul II était plus expéditif et politique. Benoît XVI est plus nuancé, notamment sur l'usage du préservatif, admis "dans certains cas", afin d'éviter les contaminations. Une position inédite, à l'opposé de son prédécesseur. Néanmoins, il y a une véritable continuité entre ces deux pontificats. Aujourd'hui ses apparitions publiques se font rares, mais il rencontre régulièrement son successeur le Pape François, donnant ainsi lieu à des images uniques et inédites de deux Papes, l'un en fonction, l'autre à la retraite, qui se rencontrent. Le Pape François décrit volontiers le Pape émérite comme un grand théologien: "Chaque fois que je lis les œuvres de Joseph Ratzinger (Benoît XVI), il est de plus en plus clair pour moi qu'il a fait, et fait, de la théologie à genoux: à genoux parce que, avant même d'être un grandissime théologien et un maître de la foi, on voit que c'est un homme éminemment croyant, qui prie vraiment, on voit que c'est un homme qui personnifie la sainteté, un homme de paix, un homme de Dieu."

 

En 2012, l'enquête sur des fuites de documents confidentiels aboutit à l'arrestation du majordome de Benoît XVI. D'autres scandales ecclésiastiques, notamment de pédophilie, éclatent dès la fin du pontificat de Jean-Paul II, puis continuent sous Benoît XVI. Dès son élection à la tête du Vatican, à la différence de son prédécesseur, Benoit XVI transmet ces affaires aux juridictions de droit commun au lieu de les garder en interne. "Il y a eu des moments pas faciles, dans lesquels les eaux étaient agitées et le vent contraire, (...), le Seigneur semblait dormir", confie Benoît XVI à la foule le 27 février 2013. 


Le Pape François et le Pape émérite Benoît XVI
Le Pape François et le Pape émérite Benoît XVI

François

2013-2...

 

 

Il est trop tôt pour dire que le Pape François a changé l'Histoire. Mais, par sa seule élection, il en a modifié les perspectives. Le 13 mars 2013, pour la première fois depuis plus de 1000 ans, l'Église est allée chercher son pontife en dehors de l'Europe.

 

Certes, Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, était fils d'émigrés italiens. Cardinal depuis 2001, il connaissait bien le Vatican, où l'on appréciait son intelligence, son franc-parler et son charisme: n'avait-il pas été le "challenger" de Joseph Ratzinger lors du conclave de 2005 ? Mais il est né, il a grandi et il est devenu prêtre en Argentine. Il incarnait parfaitement ce continent sud-américain foisonnant et contrasté qui représente à la fois le tiers-monde, l'autre Amérique et la plus grande masse des catholiques d'aujourd'hui. Dès ses premiers gestes de Pape, il a donné le ton qui sera celui de son pontificat. En choisissant de s'appeler "François", comme saint François d'Assise, il optait pour une Église humble et proche des pauvres. Dès ses premières homélies, il invitait les évêques et les prêtres à sortir de leurs palais et de leurs paroisses pour aller annoncer le Christ "aux périphéries", c'est-à-dire au bout du monde, dans les grandes villes, dans les bidonvilles, comme lui-même n'avait cessé de le faire à Buenos Aires.

 

Lors de son élection, le Pape François fut explicitement chargé de réformer le fonctionnement de l'Église, qui avait pâti sous son prédécesseur de plusieurs "affaires" aux effets dévastateurs. Le nouveau pontife a donc entamé un refonte des finances du Vatican et une remise en ordre de la Curie. Mais c'est sur les grands défis lancés à la papauté par le monde actuel que le Pape François devra monter qu'il est le digne successeur des grands Papes qui ont fait l'Église.


À jour: le lundi 5 novembre 2018


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