POUR QUOI SOMMES-NOUS FAITS ?


  • 1. 

Quel est le but de la vie humaine ? L’homme a été fait « pour Dieu » : il aspire à rencontrer Celui qui peut le combler totalement, qu’il puisse aimer de tout son être et dont il puisse percevoir l’amour inépuisable. C’est bien parce que nous sommes faits pour un être infini que notre désir est infini, et cela nous rend très exigeants : même quand on a tout sur la terre, cela ne nous suffit pas encore.
Lorsqu’on y pense sérieusement au plan théorique, on rejoint cet enseignement révélé que l’homme a été fait « pour Dieu »

L’homme a été créé pas seulement par Dieu, mais pour Dieu. L’homme est capable de Dieu : capax Dei, et il est destiné à connaître et aimer DieuLe Catéchisme de l’Église catholique commence par cette très belle formule du Cardinal de Bérulle. C’est magnifique de souligner que l’homme est « capable de Dieu » : c’est tellement puissant ! L’homme est, avec les anges, la seule créature qui a été créée pour Dieu, qui ne se réalise qu’en Dieu. L’animal, la plante honorent Dieu en réalisant leur tâche terrestre : manger, boire, dormir, se reproduire en attendant de disparaître. L’homme fait tout cela, mais avec la vocation à rejoindre un jour Dieu pour toujours.
L’homme ne peut pas se satisfaire des biens de ce monde : il aspire profondément à quelque chose d’infini qui dépasse ce monde L’homme ne se réalise pas dans la satisfaction de ses besoins vitaux au plan naturel, ni dans ses relations avec ses semblables, même si ceux-là lui sont très nécessaires : il lui faut en plus effectuer un saut inouï dans les bras du bon Dieu, un saut qui dépasse ce monde. L’homme ne se réalise pas au plan de la nature, il y a quelque chose de surnaturel qui l’appelle et l’attire. C’est cela qui est sa vraie fin, même si la toute sorte d’appétits, mesurés à ses différents besoins naturels, le sollicitent. Mais aucun d’eux, même satisfait, ne peut répondre complètement à son attente. L’amour que nous vouons aux êtres humains est un pressentiment de la relation dont nous portons la nostalgie, il a toute sa valeur si nous ne lui demandons pas ce qu’il ne peut nous donner : le bonheur total. Sinon, il écrase l’être que nous prétendons aimer, il lui demande trop, et ainsi il passe de l’illusion d’une perfection sans faille à l’amère déception devant les pauvretés que révèle toute créature, même la meilleure. A l’inverse, si nous savons voir dans toutes les belles et bonnes choses que Dieu met sur notre chemin un reflet de son visage, si nous en usons selon sa volonté, ces êtres trouvent là toute leur dignité et l’amour que nous leur portons devient un tremplin pour aller vers le souverain bien.

C’est parce que notre désir est infini que nous sommes si exigeants : même dans les cas où apparemment on a tout ce qu’on peut souhaiter sur la terre, cela ne nous suffit pas encore !

L’infini de notre désir est bien le signe qu’il y a derrière ce monde quelque chose qui est encore plus grand, un bien que nous appréhendons derrière tout ce qui existe, mais plus spécialement derrière ce qu’il y a de plus fugitif ici-bas : l’expression d’un visage, l’éclat d’une fleur. Un ami me posait la question : pourquoi les couchers de soleil nous touchent-ils tant  que cela ? Ce n’est pas seulement le jeu des couleurs en un moment donné : c’est parce que, derrière ce qui se donne à voir, il y a quelque chose qui ouvre sur l’infini. Une perception s’offre à nous qui laisse deviner l’infini dans la fragilité d’un instant. Notre réel est comme percé de trous qui nous laissent voir par derrière le soleil. C’est très platonicien, c’est un peu le mythe de la caverne par certains côtés mais il y a quelque chose de profondément vrai à cela, qui cadre très bien avec l’expérience a plus humaine.

  • 2. 

Le péché, c’est d’idolâtrer les biens de la terre, et de s’y arrêter en attendant d’eux un bonheur qu’ils ne peuvent nous donner. Ce désordre a deux conséquences : on est d’abord frustré, car on n’atteint pas la satisfaction que l’on cherchait et par ailleurs notre désir en sort blessé, amoindri, « on n’y croit plus » et désormais on se donne avec parcimonie, craignant d’être déçu. A la fin, on refuse de croire au bonheur et on se jette dans l’absurde, par dégoût, par provocation. Le péché, c’est de considérer les biens de la terre non  comme quelque chose de provisoire, mais comme quelque chose d’indispensable à notre être et c’est de s’y arrêter en leur demandant un bonheur qu’ils ne peuvent nous donner.

Les biens terrestres donnés par Dieu nous appellent à un dépassement, qui nous entraîne vers un don plus grand, Le péché, c’est  de s’y arrêter, de s’y cramponner, de les idolâtrer, et d’attendre d’eux qu’ils nous donnent à eux seuls le bonheur, alors qu’ils ne peuvent pas le faire, n’étant eux-mêmes que des créatures.

Il y a deux conséquences à cette idolâtrie : d’une part on n’atteint pas le but qu’on cherchait et d’autre part notre désir blessé nous conduit à la déception, et à de plus en plus d’amertume

Cet échec, qui conduit à la limite au désespoir est donc cette asthénie du désir, le fait que l’homme est privé de l’objet de son désir. Il a trop voulu s’emparer des choses créées qui ne peuvent pas lui donner ce bonheur, et finalement il ne va plus rien désirer du tout. Le péché le plus grave n’est pas d’avoir un mauvais désir, mais d’être conduit plutôt à une absence de désir. Au bout de cette logique, il y a un moment où l’homme n’est plus capable de désirer rien de grand et alors il se contente de satisfactions à la petite semaine jusqu’au dégoût, jusqu’à l’amertume et jusqu’à la mort. Saint-Augustin disait : « quand tu as dit "c’est assez" [c’est-à-dire quand tu as limité ton désir], tu es déjà mort ». Voilà l’arrière-plan théologique de cette question, dont il faut également voir l’aspect pratique.

  • 3. 

Dans la vie concrète, l’homme est mû par un grand nombre de désirs, qui s’empilent les uns sur les autres, mais il y a derrière tout cela une raison dernière, un bien ultime, que l’on cherche sans toujours le savoir. On prend facilement conscience de cette « hiérarchie des désirs » quand l’un des désirs les plus fondamentaux est brisé, et qu’on se retrouve d’un seul coup sans goût pour rien, même si rien ne nous manque au plan matériel.

Dans la pratique, l’homme est mû par un grand nombre de désirs, mais derrière tous ces besoins, toutes ces attentes, tous ces buts qu’il peut se fixer, il y a une ultime recherche, un bien souverain et infini que l’on quête, le plus souvent sans le savoir

Pour constater cela, on peut partir, comme l’a fait Maurice Blondel (1861-1949), d’une enquête sur ce qui fait mouvoir la volonté humaine. On constate qu’il y a énormément de choses qui mettent en mouvement les hommes : l’instinct de survie, la volonté d’être reconnu à travers son travail, la quête de l’âme sœur, le désir de donner la vie, le désir de servir des causes valables, grandes, nobles, etc. Il peut y avoir une quantité de choses qui mettent en mouvement la volonté humaine, et en général on voit que ces choses sont coordonnées entre elles : par exemple je veux l’amour de quelqu’un, je vais alors me décider à travailler, je vais arrêter d’être paresseux, parce que je veux mériter l’amour de cette personne, etc. Les finalités s’embrayent en série. Il y en a de plus immédiates qui sont motivées par d’autres plus vastes, par des désirs plus élevés, etc. Si je me lève le matin, c’est bien sûr pour me nourrir,  me soigner, etc… mais c’est aussi pour remplir une tâche, car j’ai besoin de sentir que ma vie sert à quelque chose, qu’elle donne du bonheur aux autres… Mais  pourquoi est-ce que je veux tout cela ? C’est que je sens confusément qu’il y a quelque chose de plus important que ma satisfaction personnelle, que je suis grandi par le don que je fais de moi-même. Mais qui mérite ce don de soi,  jusque au don de sa vie ? Nulle raison sur terre ne peut à elle seule justifier un don total, et pourtant c’est la possibilité de ce don qui fait toute la dignité de l’homme. Et, au bout de cette route, c’est Dieu seul qui peut fonder la possibilité d’un engagement total de la liberté, parce qu’il a la possibilité de nous ouvrir sur une vie qui dépasse la mort.

On voit très bien cet ordre et ce phénomène de l’enchaînement des désirs quand l’un des désirs fondamentaux est brisé, et spécialement quand la quête de Dieu est oubliée.

C’est très net : quand quelque chose est cassé à un certain niveau, on n’a même plus de goût à faire des choses immédiates. Celui qui n’a plus de raison d’aimer quelqu’un, parce que celui-ci lui a tourné le dos, va se négliger physiquement, moralement, il ne va plus aller au travail… toutes les raisons qui pourraient l’amener à ordonner sa vie ont disparu. Alors, profondément, quand l’homme est mutilé de ce qu’il a de plus haut, c’est-à-dire en définitive sa quête de Dieu, il n’a plus de possibilité de rebondir : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Seul Dieu est assez grand pour maintenir le désir de vivre, quand toutes les finalités intermédiaires sont atteintes.

  • 4. 

Cet enchaînement des désirs suppose à son terme un désir ultime, fondement de tous les autres. C’est ainsi qu’on arrive à la constatation qu’il y a un bien suprême, un souverain bien qui seul vaut la peine d’être cherché pour lui-même et qui correspond à l’ouverture de notre désir.

Si on suit la réflexion de Maurice Blondel, on découvre en nous une hiérarchie des désirs, mais celle-ci suppose à son terme un désir ultime, qui est le fondement de tous les autres

Au terme de cette hiérarchie, il y a un bien qui n’est pas seulement un bonheur de plus, un idéal plus haut que les autres, mais le fondement même de toute valeur : le Dieu-amour source de tout bien, dont la perfection se reflète sur tout ce qu’il a créé. Nous n’avons pas à choisir entre divers buts, plus ou moins équivalents, comme on choisirait une marque dans un supermarché. Sinon le discernement n’en est même pas un, faute d’une déférence absolue qui dise le prix des choses. Tout ce que nous pouvons désirer de beau et de bon s’ordonne autour d’une  quête fondamentale et nous avons tous, comme un étalon de mesure inscrit au plus profond de nous, le Bien infini dont nous avons le désir, plus ou moins conscient. C’est par rapport à lui (qui ne fait concurrence à rien) que nous pouvons apprécier ce qui s’en rapproche plus ou moins dans notre vie. Ce n’est pas seulement la plus haute des valeurs, ce n’est pas seulement le plus bel idéal : c’est encore au-delà de cet idéal parce qu’il est plus réel que tout le reste et il donne ce qu’il promet. Il y a implicitement une mesure qui va jusqu’à l’infini, et c’est celle-là seulement qui me permet de mesurer la valeur relative des biens que je poursuis.

On arrive ainsi finalement à l’idée qu’il y a un bien suprême, un souverain Bien qui seul vaut la peine d’être cherché pour lui-même et qui correspond à la béance de notre désir

Notre désir est infini parce qu’il est fait pour cet  être infini. Seul l’infini de Dieu peut répondre à notre quête, et cet absolu, loin de détruire toutes les autres choses de ce monde, leur redonne au contraire leur place. Une place relative, dépouillé de l’idolâtrie qui nous attachait à elles, comme si tout en dépendait. Une fois le désir réordonné, on peut commencer à aimer les autres, aimer tous les autres, parce qu’on ne cherche pas à les posséder tous pour nous et parce que l’on sait que c’est un chemin vers le souverain Bien. Ce sont tous des cadeaux du Bien suprême, c’est une manière pour lui de se rendre présent dans notre vie : nous voyons ainsi, derrière toutes choses, ce bien qui les déborde toutes. Lorsque nous avons touché à ce Bien, loin de dépeupler notre vie, il la remplit au contraire de signes, de repères, d’avant-goûts, de réminiscences. On peut en profiter et louer Dieu pour ses dons, tout en restant vigilants : si je prends ces signes pour un bien que je m’approprierais, je vais tout détruire. Il faut remonter sans cesse  jusqu’à la source absolue du désir, ce souverain Bien pour lequel nous avons été faits : « Joie pour les cœurs qui cherchent Dieu ! » (Psaume 105,3)

  • 5. 

On peut assez facilement découvrir sur la terre que ce bien ultime et souverain a un rapport avecl’amour qui peut être reconnu dès ici-bas comme le plus grand des biens, mais il faut aller jusqu’au bout et voir que notre désir d’amour est lui aussi infini : seul l’amour suprême est à notre mesure.

Beaucoup font dès cette terre l’expérience que l’amour est le plus grand des biens, mais il faut aller plus loin, jusqu’à voir que notre désir d’amour est lui aussi infini

Parmi les biens de la terre, on peut arriver facilement à la conclusion qu’il y a une supériorité de l’amour sur tout ce qu’on peut vivre par ailleurs. On perçoit vite que l’amour est plus essentiel que la possession, la domination, la gloire, l’argent, les biens matériels, les réalisations extérieures, car profondément l’homme a besoin d’aimer et d’être aimé. Dans cette hiérarchie des biens, tout le monde peut se rendre compte assez vite que l’amour est bien plus merveilleux que de soigner simplement son confort tout seul dans son coin. Découvrir cela c’est donc déjà une première marche que l’on monte. Mais il y a une deuxième marche à gravir : c’est, après avoir découvert que l’amour est si important, de comprendre que nous avons besoin d’un amour infini. Aucun amour de la terre ne nous suffit. Nous abimons l’amour terrestre quand nous lui demandons ce qu’il ne peut pas être ou donner. Nous faisons souffrir les autres, nous devenons tyranniques, nous blessons les autres, et on voit très bien ce qui ne fonctionne pas quand on en vient à idolâtrer une relation humaine : elle devient destructrice, pour tous les deux d’ailleurs.

  • 6. 

Le cœur de l’homme aspire donc profondément à communier éternellement avec ce Dieu que la Révélation nous découvre comme étant lui-même l’amour infini, c’est-à-dire relation de personnes qui s’aiment de manière infinie de toute éternité, et qui nous invitent nous aussi à cette communion filiale avec le Père, par le Fils, dans l’Esprit Saint.

La révélation chrétienne nous enseigne que Dieu est amour, c’est-à-dire relation de personnes qui s’aiment de manière infinie de toute éternité et qui nous invitent à cette communion

C’est pour cela qu’au moment de créer l’homme Dieu dit : « faisons l’homme » (Genèse 1,26). Il y a sans doute d’autres explications exégétiques possibles, mais celle-là me semble tellement évidente ! Il y a une mystérieuse allusion à la Trinité au moment même de la création de l’homme. Comme si Dieu se parlait à lui-même pour créer l’homme, comme pour l’inviter déjà à entrer dans le mystère de la communion intime vécue en Dieu. Le temps que nous passons sur la terre, c'est, comme disait l'Abbé Pierre : « un peu de temps laissé à des libertés pour apprendre à aimer » ; c'est un temps donné pour commencer avec Dieu et avec nos frères des relations véritablement uniques et personnelles, qui s'épanouiront finalement dans l'éternité.

  • 7. 

Si Dieu n’était pas en lui-même communion d’amour et si l’on ne pouvait pas communier à Lui, ni entrer en relation personnelle avec Lui, il resterait éternellement éloigné de nous dans sa perfection inaccessible. En ce sens, l’Incarnation achève le mouvement, car, en Jésus, le petit enfant de Bethléem, le plus parfait s’est fait le plus proche…Si l’on ne communie pas à Dieu et si on ne peut pas entrer en relation personnelle avec Lui, il reste éternellement infiniment loin

Le Dieu de la religion musulmane est un Dieu solitaire. Certes il a créé l’homme et on espère qu’à la fin il lui donnera une récompense, mais aucune communion n’est possible. Cela ne peut pas satisfaire le cœur de l’homme. Il faut le Christ pour nous faire comprendre que Dieu lui-même est la récompense ! On peut sans doute trouver derrière certaines phrases d’Al Hadj, chez certains mystiques musulmans, un pressentiment de l’union entre l’homme et Dieu, mais l’Islam orthodoxe y verra toujours un danger de panthéisme qui effacerait la distinction entre Dieu et l’homme. Mais, si on en reste là, est-on sorti de la relation du maître et de l’esclave ?

L’Incarnation achève ce mouvement, car s’il n’y avait pas eu de communion en Dieu, on n’aurait jamais pu entrer en communion avec Dieu !

Dans le christianisme, Dieu était en haut mais il s’est incarné : il est venu partager notre expérience humaine. On a pu le voir le connaître, le comprendre, l’aimer, le voir et le toucher par la foi, et avoir une vraie relation avec lui. Et il nous a donné son Esprit qui est en nous et par cet Esprit nous sommes appelés à vivre de la vie de Dieu, à adorer le Père, en étant membre du Christ. Cette communion avec Dieu est essentielle ! « L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu » explique le Concile Vatican II (Gaudium et Spes 19,1). Jésus est venu pour nous donner le moyen d’une réelle communion avec Dieu. Il en a donné des gages, des avant-goûts et il nous permet d’en vivre déjà sur cette terre avant même le plein dévoilement qui viendra dans le ciel. Les chrétiens font dans leur vie, dans leur prière, dans l'action de la Providence, l'expérience d'une rencontre avec Jésus et ils confessent qu'il est "Vivant", c'est-à-dire qu'il peut agir, se faire connaître, se faire toucher, aider, réconforter et finalement se manifester (Jean 14,21) à ceux qui l'aiment, qui le cherchent et qui demeurent en son amour. Par son Incarnation, il nous a ouvert la porte vers la communion avec Dieu.…

  • 8. 

Saint Augustin a parfaitement résumé les choses : « Tu nous as fait pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ». Toute autre vision du Paradis serait en réalité un enfer, car l’homme ne peut pas se contenter éternellement de biens limités. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » disaient les Pères de l’Église : c’est même finalement la condition indispensable d’une éternité bienheureuse.

La vision du bonheur telle que la décrit la foi chrétienne correspond à l’attente profonde du cœur de l’homme

Le bonheur que laisse entrevoir l’islam et beaucoup d’autres religions, c’est en quelque sorte un bel avancement, la récompense obtenue par un bon serviteur qui ayant fait tout ce qu’il avait à faire aura une éternelle gratification, mais ce bonheur-là, ce n’est pas de connaître Dieu, d’en être aimé personnellement, de l’aimer en retour et de vivre de sa vie. Dieu sera toujours à la même distance : il restera toujours seul et infiniment loin. Il n’y a pas de communion avec Dieu. La récompense promise est donc d’une certaine manière toujours un bien créé et cela ne peut pas combler le cœur de l’homme. Un paradis rempli de femmes, de rivières, de nourritures, de nourritures etc…sera toujours rempli des biens pris au monde qui nous entoure et seulement doté d’un coefficient plus fort, mais ce sera donc toujours le même monde limité. Dans cette perspective, notre désir rencontrera forcément la satiété. Seul Dieu est infini ! Le meilleur repas, le plus beau voyage, la plus belle rencontre deviendraient insupportables s’ils devaient durer toujours comme ils sont !

Il n’y a que ce qui est infini qui peut répondre à notre désir infini

Et nous avons en nous-même le désir profond de communier à cet infini, c’est Dieu qui nous l’a donné, ce désir, donc nous ne pouvons pas rester éternellement à l’extérieur. Dieu nous a ouvert son infini en son Fils. Quand nous voyons  Jésus, quand nous l’entendons, nous sommes face à des réalités concrètes et limitées, adaptées à ce que nous sommes, c’est en même temps toute la richesse de Dieu qui déborde jusqu’à nous dans la rencontre. Le Très Haut vient partager notre vie sans rien retirer de sa transcendance.

« Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » disaient les Pères de l’Église : c’est au cœur de la foi chrétienne et c’est aussi la condition indispensable d’une éternité bienheureuse

« Le but de la vie et la possession de l’Esprit Saint » disait Saint Séraphin de Sarov. On ne rentre dans cette communion divine que par l’Esprit Saint, qui nous introduit dans la Trinité, au sein d’un monde de relations profondément personnelles. Le baptême est nécessaire au salut (Marc 16,16) parce que par lui nous sommes unis au Fils de Dieu, configurés à lui, membre de son corps et appelés à vivre de sa vie, à se laisser envahir par son Esprit, à adorer la Père comme il l'adore lui-même. Par l'Esprit Saint, qui vit en nous, au plus profond de nous, nous commençons la vie de fils de Dieu que nous achèverons dans l'éternité. Nous sommes appelés à être fils de Dieu dans l'Alliance avec le Fils unique du Père et à partager avec lui l'héritage du Royaume qu'il nous a conquis et qu'il nous offre par amour. On peut dire même que la relation véritable n’est possible que par la troisième personne de la très Sainte Trinité, l’Esprit du Père et du Fils. Cette aspiration juste, profonde et existentielle est fondamentale : car s’il n’y avait pas finalement cette communion véritable avec le Dieu d’amour infini qui nous est révélé dans le mystère des relations infinies de la Trinité, nous ne pourrions qu’être éternellement frustrés dans nos désirs profonds, et toutes les éternités possibles ne seraient que des enfers.

d'après le père Michel Guitton - aleteia.org


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